On frappa à la porte de la chambre.
-Je peux entrer?
-Oh! Laurence, enfin, tu es là! S’écria Mélanie en se jetant dans ses bras.
-Ne t’en fais pas, tout va bien se passer. Laisse-moi te regarder.
-Je suis affreuse. Affreuse et énorme.
Laurence recula d’un pas et la contempla. Mélanie était époustouflante. Ses cheveux avaient été coiffés en chignon et quelques mèches blondes qui s’en étaient échappé, caressaient sa nuque. La vérité était que Mélanie aurait fait damner un saint.
- Tu es magnifique. Magnifique et … énorme. Allez, c’est l’heure. Murmura-t-il, en lui prenant la main.
Lorsqu’ils sortirent du chalet, le soleil était déjà haut dans le ciel qu’aucun nuage ne venait assombrir. La pluie de la veille avait lustré les feuilles des arbres et revigoré le gazon qui faisait un tapis moelleux sous leur pas. Au fond du jardin, un grand chapiteau blanc avait été dressé et, devant, des arbustes en pots formaient deux haies parallèles qui s’arrêtaient sous l’auvent. Une multitude de rubans bleus avaient été fixés à leurs branches et oscillaient sous le souffle d’une légère brise.
La rumeur de conversations et de rires qui fusaient, emplissait le jardin. Mélanie prit une grande respiration et s’agrippa au bras de Laurence. Une femme qui s’apprêtait à sortir du chapiteau rebroussa chemin lorsqu’elle aperçut le couple qui s’amenait. Soudain, la clameur s’évanouit pour faire place au silence que seul brisait le chant des oiseaux qui s’égosillaient en se donnant la réplique.
Des murmures approbateurs s’élevèrent lorsque Mélanie apparut. Gracieuse, elle se laissa guider vers un autel qui avait été dressé tout au fond du pavillon. Sa robe d’un bleu très pâle caressait l’herbe sous ses pas. Le décolleté mettait en valeur sa poitrine épanouie qu’ornait une fine chaine d’argent à laquelle pendait une perle noire. Sous le buste, une infinité de petits plis retombaient sur le ventre rebondi de Mélanie qui, visiblement, allait bientôt être maman.
Alors qu’il marchait vers l’estrade où allait se dérouler la cérémonie, Laurence ne put s’empêcher de fouiller l’assistance du regard, cherchant manifestement quelqu’un. Lorsqu’il l’aperçut enfin, elle lui rendit son sourire et Laurence sentit son cœur se gonfler au point qu’il crut qu’il allait éclater…
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Bien de l’eau avait coulé dans le ruisseau depuis sa rencontre avec Éva. Malgré tout, Laurence n’en avait oublié aucun détail. Il se revoyait, assis sur la grosse pierre, se laissant bercer par le murmure des cascades.
-Ne partez pas… Éva, attends… s’il te plait. C’est tout ce qu’il avait réussi à dire lorsqu’elle avait voulu fuir après qu’elle l’ait aperçu.
Elle était restée. C’est ainsi, qu’après des semaines passées à s’éviter, ils avaient pu parler longuement. Laurence se souvenait à quel point il l’avait trouvé belle, qu’il avait été enivré par son parfum, par l’éclat de sa peau. Tout en elle l’avait ému et attiré.
Puis Éva lui avait demandé un peu de temps …
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Mélanie avait insisté. Son mariage serait célébré en campagne et, de loin, c’était le jardin de Laurence qui convenait le mieux; c’était même le site idéal. À proximité de la ville, le terrain était de bonnes dimensions et permettait qu’on y installe un chapiteau.
Ce qui avait débuté par une simple idylle s’était transformé, à la plus grande surprise de l’intéressée, en une histoire d’amour, avec un A majuscule. Après tant d’aventures et presque autant de désillusions, elle avait enfin rencontré l’homme avec lequel elle avait envie de passer le reste de ses jours. Depuis qu’il était entré dans sa vie, elle n’était plus la même. Plus exactement, elle était une version améliorée de la Mélanie d’avant.
Les mois avaient passé, magiques et intenses. Puis, un jour, après trop de matins nauséeux, Mélanie avait constaté avec effroi qu’elle était enceinte. Contre toute attente, au lieu de les catastropher, cette nouvelle avait réjoui le couple. Bien sûr, la venue d’un enfant n’avait pas été envisagée et ils auraient volontiers attendu quelques années avant de fonder une famille, mais leur amour était tel qu’ils accueillirent cet événement avec beaucoup de bonheur.
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Mille fois Éva s’était repassé le film de sa rencontre avec Laurence. Autant de fois, elle avait revécu ce jour d’automne, avait revu le scintillement de l’eau vive du petit cours d’eau près duquel elle était allée méditer. Lorsqu’il avait prononcé son prénom, elle s’était immobilisée, le cœur battant.
Et alors qu’elle n’avait qu’une envie, s’enfuir, elle s’était retournée et elle l'avait vu, là, tout près.
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Devant l’autel, face à un auditoire attentif et fébrile, l’ami d’enfance de Mélanie, à qui elle avait demandé de célébrer son mariage, venait de poser la question que tous attendaient. Celle qui allait changer son statut de célibataire frivole, en épouse fidèle.
- Oui, je le veux! La voix étranglée par l’émotion, Mélanie avait levé la tête vers celui qui, dans un instant, allait devenir son mari.
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Laurence était perdu dans ses pensées. Alors qu’il aurait dû être attentif à la cérémonie qui se déroulait devant lui, il n’arrivait pas à chasser le souvenir de sa rencontre avec Éva. Il la revoyait devant lui, près du ruisseau. Après un silence durant lequel chacun cherchait ce qu’il fallait dire, c’est Laurence qui avait prononcé les premiers mots.
Il lui avait tout raconté. La première fois qu’il l’avait aperçue et toutes les autres qui avaient fini par le rendre accro. Il lui avait même avoué le choix qu’il avait failli faire par impatience, et les regrets qui s’étaient ensuivis. Il lui parla de l’attente jour après jour, d’un mot, d’un signe. Il confessa son incompréhension lorsqu’elle s’était mise à l’éviter. Il lui dit aussi combien elle lui plaisait et à quel point il avait envie de la connaître. Il ajouta que si elle ressentait pour lui, ne serait-ce qu'un tout petit attrait, il attendrait le temps qu’il faudrait.
Alors, Éva avait dit à Laurence qu’elle avait besoin de réfléchir…
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Laurence abandonna ses rêveries au moment où l’officier demanda :
- Simon, acceptes-tu de prendre pour épouse, Mélanie. De l’aimer, de la respecter et de la soutenir?
Une salve d’applaudissements avait retenti lorsque le nouvel époux, haut et fort, avait répondu :
- Oh! Oui, de tout mon cœur, je le veux!
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Éva glissa sa main dans celle de Laurence. Le mariage de leurs amis, Mélanie et Simon, les réjouissait. Simon était un homme intègre, attentionné et passionné.
Lorsque Mélanie avait réussi à obtenir une invitation pour l’inauguration de sa galerie d’art, il y avait maintenant plus d’un an, elle visait ni plus ni moins que de séduire Simon. Elle avait simplement envie d’ajouter un nouveau trophée à son tableau de chasse. Quant à Simon, malgré qu’il ait trouvé Mélanie sublime, il avait vu clair dans son jeu et cela l’avait amusé… ni plus ni moins. Ce soir-là, accaparé par ses invités, Simon n’avait pu accorder que peu de temps à Mélanie. En quittant la soirée, malgré son égo légèrement malmené, elle avait été plus que jamais décidée à conquérir cet homme avant qu’il ne lui échappe. Quelques jours plus tard, ils s’étaient revus et, alors que rien ne présageait un tel dénouement, ils étaient tombés follement amoureux. Depuis ce jour, ils ne s’étaient plus jamais quittés.
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Alors que les mariés s’embrassaient, sous un tonnerre d’acclamations, Laurence prit le visage d’Éva entre ses mains et la regarda intensément. Puis sans se soucier des témoins, il posa ses lèvres sur les siennes pour un long baiser. Comme une promesse, comme un serment…
FIN