dimanche 6 mars 2011

Âge critique ...


"Ahhhh… j'ai été ben malade, tu sais!" me lança ma cliente, madame H., lorsque j'entrai dans sa petite chambre surchauffée d'une résidence pour personnes en perte d'autonomie.

"Que s'est-il passé?"

"Ah… toutes sortes de choses, mais j'ai été ben malade. J'te dis que c'est pas drôle de vieillir."

"Faites-vous un peu d'exercice? Peut-être que ça vous donnerait de l'énergie."

"Ah… tu sais, j'suis rendue à 88 ans et ça vaut pas la peine à mon âge; j'ai juste hâte que ce soit fini."

Après avoir rangé dans mon cabas un pantalon qu'elle désirait faire rétrécir, je pris congé, mais avant qu'elle ne referme sa porte:

"Vous n'avez pas envie d'aller vous asseoir au salon? Vous pourriez échanger avec d'autres résidents, voir du monde. Vous seriez moins seule et il me semble que ce serait mieux que de rester dans votre chambre, non?"

"Ah! Pantoute!" rétorqua madame H. avec une moue dédaigneuse. "C'est toute des vieux et pis y sont malades!"

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6 commentaires:

Fée des Bois a dit…

Trop triste de ne plus vivre alors qu'on n'est même pas encore morte.

Sally Fée a dit…

@ Fée des bois:

Très triste, oui. Comme si plus rien de ce qui les a passionné jadis ne subsistait. Le plaisir, la curiosité et l'intérêt n'y sont plus.

Ça fait réfléchir...

Zoreilles a dit…

Je reconnais l'attitude à tel point que je pourrais te nommer des noms! C'est d'une tristesse... mortelle. L'âge critique, ça peut être 20 ans quand on a cette perception de la vie, cette forme de résignation, d'attente passive, de soumission aux événements, etc.

Devant ce genre de personnes, j'écoute poliment, je ne dis rien, je souris, ça ne donnerait rien de leur dire de réagir, de se prendre en main, je reste totalement démunie.

Le factotum a dit…

C'est malheureusement l'idée générale que se font les personnes agées de la vie.
À quoi ça sert de continuer à vivre, je suis prête pour le grand départ.
Pour ces gens vivre ne signifie pas faire de l'activité, communiquer , participer mais plutôt être en attente de la fin qui ne semble pas vouloir venir.
Comme le dit si bien Zoreilles, c'est d'une tristesse ...

Fitzsou, l'ange-aérien a dit…

... triste... mais tellement vrai... pour avoir vécu maintes et maintes fois ce genre de situations... Il faut les raccrocher au moment présent... et les faire rire...

Anonyme a dit…

Cela me rapelle les derniers jours de mon grand-père, âgé de 94 ans, qui en avait assez. Il était des plus jovials pendant des années et des années. Mais lorsque la mémoire le quittait, l'abandonnait, il demandait seulement, d'un ton d'impatience inconnu de lui, que le Bon Dieu vienne enfin le chercher. Au lieu de me parler du succès du CH, il me disait qu'il attendait le départ. Cet homme du plus grand coeur, donnant aux ennemis durant la guerre malgré les restrictions de son commandant, qui se rendait à l'épuisement de son combat.
Je regrette que ma conjointe n'est pas connue cet homme qui m'a donné ce sens de partager et de veiller sur le bonheur des autres.
Réflechir vous dîtes? Craindre plutôt.