samedi 28 février 2009

jeudi 26 février 2009

Un amour affranchi … 2e partie


Éva tourna l'enveloppe entre ses mains; elle était faite d'un beau papier texturé comme elle en avait vu dans la boutique d'artisanat qui avait ouvert ses portes, l'automne dernier. Un timbre y avait été collé sans être oblitéré. Du bout du doigt, elle suivi l'arabesque d'encre noire qui formait deux mots:
Pour vous…

La jeune femme tourna la tête, scrutant la route et le champ qui lui faisait face. L'enveloppe avait été déposée dans sa vieille boite aux lettres; elle lui était destinée, sans aucun doute. Outre sa petite maison cachée dans les arbres, ce rang de campagne n'en comptait que deux autres. Tout au bout, une petite fermette était occupée par un vieux et charmant couple, tandis que le chalet de bois rond, dont le terrain jouxtait le sien, appartenait au facteur retraité qui, durant l'été, venait de temps à autre y passer un week-end.

Éva retourna à sa voiture et déposa l'enveloppe et la fleur sur le siège du passager. Elle allait redémarrer lorsqu'elle se ravisa; en esquissant un sourire, elle alla rebaisser le petit drapeau rouge de la boite aux lettres.

Malgré la curiosité qui la dévorait, Éva retarda le moment d'ouvrir l'enveloppe. Elle prit le temps de se préparer un souper et d'ouvrir une bouteille de vin, un excellent Shiraz 2005. Elle déposa le minuscule vase et sa marguerite sur la petite table de la véranda et apporta son assiette fumante. Puis elle appuya l'enveloppe sur le chandelier et alluma les quatre bougies.

Ce n'est qu'une fois son assiette rincée et déposée dans le lavabo qu'Éva se décida. Délicatement, pour ne pas abîmer les fibres, elle décolla lentement le rabat, prenant mille précautions. Son cœur se mit à cogner plus fort dans sa poitrine lorsque, du bout des doigts, elle saisit la feuille pliée en trois qui avait été glissée dans l'enveloppe.

Des lettres, nettes et fines s'élançaient sur le papier. Éva y lut:

De retour au pays de mon enfance,
Je vous ai croisée plus d'une fois, au fil de mes errances
Alors j'ai attendu, le temps qu'il fallait attendre
Depuis, mon cœur me presse, me vilipende
Me répétant sans cesse qu'un jour de plus, est un jour perdu
Mais si de mes mots, vous n'en avez que faire
Soyez assurée qu'un seul des vôtres suffira à me faire taire

L. D.

Éva souffla les bougies et se cala dans sa chaise; elle renversa la tête et contempla le ciel d'un bleu profond où s'allumaient des milliers d'étoiles…

lundi 23 février 2009

Un amour affranchi …


Lorsqu'elle s'éveilla, ce matin là, Éva ressentit une étrange fébrilité. Elle ferma les paupières et se laissa envahir par la curieuse sensation. C'était comme si un voile très fin s'était posé sur son cœur durant la nuit, le rendant léger et lumineux....

Pendant que le soleil tentait de couler ses premiers rayons entre les rideaux entrouverts, les oiseaux éclaboussaient le silence de leurs gazouillis joyeux. Éva s'étira et de ses pieds, repoussa les couvertures. Cette journée qui commençait à peine, lui faisait envie. Malgré le réveil qui n'affichait que 6h10, elle sortit du lit et ouvrit toute grande la fenêtre.

Une fois la cafetière en marche, elle attrapa un gros pamplemousse odorant et sorti sur la terrasse. La rosée avait déposé des milliers de diamants sur chaque brin d'herbe, sur chaque feuille. Aux quatre coins du jardin, des toiles d'araignée s'étaient transformées en de précieuses parures de pierres scintillantes. L'air sentait bon l'été, mélange de parfums de fleurs, de celui des arbres et des effluves de la terre que retournaient en silence des milliards d'êtres microscopiques.

Malgré son émerveillement, Éva n'arrivait pas à se défaire de cet étrange sentiment que quelque chose avait changé. Ou allait se transformer. Comme à l'aube d'une métamorphose, à la veille d'un revirement. La sensation était à la fois tenace et insaisissable.

Éva versa du café dans sa tasse préférée, y ajouta un peu de sucre et du lait, puis emprunta le sentier au bout de son jardin. Elle aimait aller flâner au bord du ruisseau qui coulait paresseusement au fond de son lit caillouteux. Lorsqu'elle avait visité l'endroit, deux ans auparavant et qu'elle avait découvert ce cours d'eau, elle avait su qu'elle était arrivée à bon port. Depuis, elle venait s'y recueillir chaque fois qu'elle avait besoin de réfléchir. Le murmure de l'eau l'apaisait; après avoir écouté chuchoter ses cascades, il lui semblait que tout était plus clair, plus simple.

Un coup d'œil à sa montre lui indiqua qu'elle risquait d'être en retard au travail. Éva reprit la direction de la maison en hâtant le pas; elle oublia l'effervescence qui l'habitait.

Ce n'est qu'en revenant chez-elle, ce soir là, qu'elle repensa à l'étrange impression qui l'avait envahie le matin même. Aussi, dès qu'elle emprunta l'allée bordée de pins qui menait à sa propriété, la sensation refit surface, plus intense, plus aiguë.

Elle allait tourner sur le petit chemin défoncé qui menait à sa maison, lorsque quelque chose attira son regard. Elle stoppa la voiture et observa les environs. Ça devenait agaçant à la fin. Tout lui sembla pareil; rien n'avait bougé depuis le matin, depuis des semaines en fait. Puis soudain, elle le vit: un point rouge qui faisait tache parmi la masse végétale qui poussait, sauvage et libre. Éva descendit de son véhicule et s'approcha. Du bout des doigts, elle toucha la forme cabossée qui oscilla sur son pied instable. Une pièce de métal, jadis peinte en rouge, se dressait vers le ciel, évocatrice et silencieuse.

Éva sentit son cœur battre plus vite. Et l'étrange sensation qui s'amplifiait, qui la faisait presque suffoquer. Ses mains tremblèrent lorsqu'elle tenta de faire pivoter la fermeture de la boite aux lettres. A quoi bon, se dit-elle? Le courrier n'était plus livré qu'au bureau de poste depuis des années.

Lorsque la petite porte rouillée pivota sur ses gonds, Éva cessa de respirer. Tout au fond de la boite aux lettres, une marguerite des champs reposait sagement. En tendant la main, les doigts d'Éva rencontrèrent quelque chose d'autre…
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LE RETOUR DU BLOG PAR LA POSTE, une initiative du Lapin blanc:
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samedi 21 février 2009

Céder sa place …


Lorsque j'étais toute petite, avant de fermer les yeux, je tendais le bras entre les barreaux de la vieille couchette de métal qui avait été placée dans la chambre de mes parents, et je demandais à Maman de prendre ma main. C'est ainsi que je m'endormais, confiante et aimée, les doigts chauds et rassurants de ma mère entortillés aux miens.

Mais un jour, quelques mois après avoir fêté mon 5e anniversaire, mon univers fut chamboulé à tout jamais. Une petite chose gesticulante et braillarde fut introduite dans la maison. Tous n'en avaient que pour ce poupon qui, aux dires de mes grands frères, avait un gros nez. Malgré tout, on se pressait autour de lui, tentant de lui arracher une grimace, enfin, un sourire… Mais le pire restait à venir…

Alors qu'une semaine auparavant j'étais encore le bébé de la famille, Maman m'apprit que j'étais maintenant une grande fille, et que dorénavant j'allais dormir dans mon nouveau lit et partager la chambre de ma grande sœur, "en haut".

Ce fut difficile de me faire à cette chambre inconnue; il y faisait sombre et j'avais froid. Aussi, chaque nuit, je me levais et, sans faire de bruit, je tentais de me glisser dans le lit de mes parents. Maman se mit à dormir que d'une oreille, bien décidée à me faire passer cette habitude. La plupart du temps, je n'avais pas fini de descendre l'escalier que ma mère me sommait de retourner me coucher. Rusée, je pris mille précautions pour éviter les marches qui craquaient et pour me déplacer silencieusement. Quelques fois je réussis même à me faufiler sous les couvertures, au pied du lit, sans les réveiller. Mais quatre fois sur cinq Maman me surprenait avant que je n'atteigne mon but.

Une nuit où j'avais réussi à pénétrer dans la chambre, juste au moment où je m'apprêtais à grimper sur le matelas, j'entendis le sommier grincer. Vite! Je m'étais jetée à plat ventre et glissée sous le lit.

-Sally? C'est toi? Avait murmuré la voix de maman.

Et moi, sans hésiter:

-Non, c'est pas moi, c'est Ti-Puce!

Mon subterfuge ayant échoué lamentablement, j'avais dû regagner mon lit où j'avais retrouvé mon chien Ti-Puce, profondément endormie.

Les mois avaient passé et je m'étais faite à cette nouvelle vie avec ce petit frère tout neuf. Ses sourires baveux et ses petites menottes tendues avaient eut raison de mes dernières réserves et j'avais été obligée de reconnaître que c'était vraiment chouette d'avoir une poupée vivante. Puis j'avais appris à remplacer sa couche, à lui donner le biberon et j'avais même accepté de prendre mon bain avec lui.

Lorsqu'il avait commencé à marcher, je m'étais mise à le trimballer partout. L'hiver, Maman m'avait permis de l'amener glisser dans la neige à la condition qu'il soit habillé chaudement… Pauvre Frérot! Je craignais tellement qu'il n'ait froid que je lui enfilais camisole, chandail, pull, veste, collant, caleçon long, pantalon doublé, plusieurs paires de bas et de mitaines, une tuque, un foulard sur le front, un autre sur la bouche. Pour finir, je glissais le petit garçon saucissonné à l'intérieur d'un habit de neige avant de lui enfiler ses bottes d'hiver. Impossible d'avoir froid … ni de se tenir debout! Alors je devais l'asseoir sur ma super soucoupe volante en aluminium et le hisser en haut des côtes avant de m'installer derrière lui pour une descente tourbillonnante. Que de moments heureux ai je passés avec ce petit frère avant que ne nous séparent les remous de l'adolescence!

Il fut difficile pour la petite fille de 5 ans que j'étais alors, de céder sa place de cadette à un frère qu'elle n'avait pas demandé. Mais au fil des ans, chacun prit celle qui lui revenait, lui de benjamin, moi de sœur aînée. Avec ses bons et ses mauvais côtés.

Aujourd'hui, sans le moindre doute, je peux affirmer que mon Frérot, je ne l'échangerais pas pour tout l'or du monde. Enfin, ce n'est qu'une façon de parler. Euh, aux faits, le gros lot de la 6/49 s'élève à combien ce soir? Quoi? 48 millions!!!! Bon, ça demande réflexion ça…

jeudi 19 février 2009

Ménage obligé …


J'en suis à ma 4e journée de grippe. Sapristi… j'en ai plus qu'assez! Oui, je sais, je dois me résigner à n'être qu'une loque humaine pour encore 4 à 6 jours.

J'ai annulé mon traitement d'aujourd'hui chez ma chiropraticienne. Ce détour aurait ajouté 1 heure à mon trajet. Je me suis contentée de faire deux courses qui ne pouvaient attendre, et d'aller voir mon amie Marie pour qu'elle fasse disparaître cette vilaine repousse.

Lorsque je suis revenue de son salon, je n'avais qu'une idée en tête: aller me coucher. Pour oublier mes tempes douloureuses, ma nuque pleine de nœuds et mes poumons à vif. Mais …

Au lieu de cela, j'ai vidé mon poêle à bois de sa cendre. Posé un ruban coupe-froid autour de la fenêtre de la salle d'eau et au bas de la porte d'entrée arrière. Remplacé les 3 cartouches d'encre de couleur dans mon photocopieur-fax et fait quelques recherches dans mes dossiers personnels. J'ai vidé les poubelles et les 2 sacs de recyclage. Ah oui, j'ai passé l'aspirateur au rez-de-chaussée, au 1er étage et … dans mon poêle à bois.

C'est demain à 11h00, qu'un employé des Évaluations énergétiques du Québec viendra faire la seconde évaluation de ma maison, dans le cadre du programme écoÉnergie. Depuis la première, en septembre 2007, plusieurs travaux d'amélioration ont été exécutés. J'avais 18 mois pour les faire si je voulais me rendre éligible à d'éventuelles subventions. Je devrai lui remettre une photocopie des factures des matériaux isolants, des rénovations et de mon compte de taxes.

Je ne sais pas si j'aurai droit à quelque remboursement que ce soit mais, ce dont je suis certaine, c'est qu'il n'y aura pas de boules de poils ni de cendre, qui dévaleront l'escalier lorsque l'homme démarrera l'énorme ventilateur qui sert à vérifier l'étanchéité de ma maison. J'ai bien assez d'avoir mal à la tête sans, en plus, avoir honte!

mercredi 18 février 2009

Les reliques …

Une fois mon secondaire V terminé, je fis une brève incursion dans un programme d'éducation spécialisée, au Cegep de Rouyn-Noranda. Après 2-3 mois, je réalisai que j'y étais autant à ma place qu'un ermite dans un party rave. Le reste de cette année scolaire, je le passai à m'occuper de deux fillettes, à préparer leurs repas, entretenir l'appartement de leur maman et … à leur lire des histoires. Lorsqu'enfin arriva le mois d'août, je m'inscrivis à un cours intensif qui, un an plus tard, allait me permettre d'être embauchée comme secrétaire pour le directeur général de mon patelin. Je venais d'avoir 18 ans.

Quelques mois après avoir encaissé mon premier chèque de paie, je dénichai un petit studio de 2 pièces, entièrement meublé. L'appartement avait été aménagé dans un sous-sol et n'était éclairé que par une petite fenêtre si haute, qu'il me fallait monter sur le lit pour l'ouvrir. C'était minuscule, brun et ma foi, assez laid. Mais propre, à deux rues de mon travail et c'était chez-moi.

Mon installation se fit en peu de temps. Mes biens tenaient dans trois petits cartons. Outre mes vêtements, j'avais une batterie de cuisine achetée deux ans auparavant via le catalogue Sears. Un service de vaisselle brun que Maman avait amassé pour moi dans des boites de savon à lessive. Deux draps de "flanellette", mon vieil oreiller de plumes, une couverture tissée, une poêle à frire en métal cabossé et des ustensiles surnuméraires. Comme l'appartement était meublé, mon lit de fer allait devoir attendre près de deux avant de me rejoindre.

Trois décennies et près de neuf cents kilomètres plus tard, ce sont deux étages en plus de la cave et d'un espace-grenier qui sont remplis de quelques meubles, des reliques de mon entreprise et de ses archives qu'il me faudra conserver 7 ans durant. Puis d'outils, de souvenirs dont certains sont encore dans des caisses, de livres, de trucs, de machins et d'un tas de choses qui ont un peu, pas mal ou beaucoup de valeur sentimentale.

Depuis qu'une pancarte
A VENDRE racole les passants qui défilent sur ma rue, je ne cesse de penser au tri qu'il me faudra faire. Aux choses auxquelles je tiens vraiment, et aux autres dont il me fait peur de regretter si je m'en départis.

Chose sûre, dans le camion qui emmènera mes possessions, il y aura mon vieux lit de fer, les ustensiles et la poêle cabossée que Maman m'avait donnés ainsi que ma batterie de cuisine Sears qui tient encore la route. Ces reliques, parmi d'autres, me suivront sans doute encore des années, jusqu'à ce que je découvre l'endroit qui me donnera envie de poser mes malles une fois pour toutes.

lundi 16 février 2009

Virus Académie …


Lorsque je me glissai entre mes draps, hier soir, un désagréable petit gratouillage dans la gorge m'annonça que j'avais probablement attrapé un rhume.

Ce n'est qu'après avoir tourné, tourné et encore tourné, que je finis par m'endormir. Oh, pas longtemps; ma gorge brûlante et sèche me tira de mon sommeil et je passai la nuit à boire, à changer de position, à me lever, à me recoucher et à tenter de compter les moutons qui jouaient à cache-cache sous le lit.

Peu après minuit, mon pouls s'accéléra; malgré la couette et les deux courtepointes qui me recouvraient, j'eus l'impression que la température de la chambre avait chuté de plusieurs degrés.

Ce fut vers 3h30 du matin qu'il se passa quelque chose d'étrange. De longues et étroites bandelettes de papier se mirent à flotter dans la pièce. Comme si ma chambre était un moulin, René Angélil y pénétra et me demanda de composer un hommage pour chacun des quatorze académiciens. Il fallait que mes textes soient touchants et qu'ils fassent découvrir au public, qui se cachait derrière le masque parfois trompeur, de ces jeunes artistes. L'époux de Céline me fit miroiter ce que serait ma vie si je me joignais à la grande équipe de la star mondiale. Wow! Quand même …

Lorsque, incommodée par un urgent besoin d'aller au petit coin, je me redressai dans mon lit, je compris que j'étais fiévreuse. Quant aux moutons et aux languettes de papier, ils avaient disparus.

Ce qui resta de ma nuit, fut pour ainsi dire "copié-collé" sur l'épisode précédent, si ce n'est que les longues bandes virevoltantes furent remplacées par des carrés blancs et que Céline se joignit à nous pour un "brain storming".


Message pour René et Céline: J'accepte votre proposition!
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samedi 14 février 2009

La certitude...


La certitude d'avoir été, un jour, une fois, aimé, c'est l'envol définitif du cœur dans la lumière.

C. Bobin

vendredi 13 février 2009

Délestage…


Je repoussais cette décision depuis des mois. Certains jours, j'étais convaincue que c'était ce qu'il y avait de mieux à faire. Mais d'autres, je n'en étais plus aussi sûre. Si ma nature m'amène parfois à ne pas écouter ma raison et à faire ce que mon cœur me commande, il y a des cas qui nécessitent une longue réflexion. Qui demandent qu'on laisse le temps passer. Puis arrive une goutte de trop qui fait déborder le vase. Ce jour-là, nous savons que le moment est arrivé et que rien ne pourra nous faire revenir en arrière. La sentence se dicte d'elle-même, claire et sans appel.

Ce fameux jour, enfin, cette soirée-là, ce fut hier. Pour quelle raison? Entre autres, parce que je devais regrouper les factures, faire imprimer les relevés et préparer tout le tralala pour la venue du comptable ce matin. Et qu'à la fin, sans même avoir à utiliser ma calculette, je ne pus que constater que les dépenses reliées à l'administration de mon entreprise étaient nettement supérieures aux revenus de production. Et que ce n'était pas une si grande surprise puisque le scénario se répétait de mois en mois.

Ce constat peu réjouissant s'additionna à la déception que je vécus quelques heures auparavant. Comme je l'avais demandé à mon fournisseur, il me fit parvenir des échantillons de tissu. J'avais l'intention de les soumettre à la propriétaire de la boutique du Saguenay; chaque printemps, elle me commande un modèle de robe qu'elle désire voir dans des tissus différents des années précédentes. En coupant le ruban gommé qui fermait le colis, j'adressai une prière à l'univers, à Dieu et à Bouddha pour que le tailleur et ma couturière soient disponibles. Je m'imaginais déjà en train de déposer le chèque de cette cliente qui, malgré son intransigeance, paie dans les délais. Lorsque le couvercle de la boite s'ouvrit, le mirage disparut et fit place à la déconfiture: des deux seuls échantillons, le premier m'était plutôt familier puisque c'est moi qui avais refilé ce tissu à mon fournisseur l'an dernier; visiblement, il avait oublié. Quant à l'autre, je l'avais déjà proposé à ma cliente en 2008 et elle ne l'avait pas aimé. Mphhhhhhh…

Alors en moins de temps qu'il ne faut à Grande Sœur pour enfiler une aiguille sans l'aide du petit machin fait spécialement pour ça, je dressai une liste qui ne laissa aucun doute sur la décision que je venais de prendre:

1. Annuler le service de paie chez D. qui est inactif depuis l'automne dernier.
2. Trouver un notaire qui dégaine plus rapidement que l'actuel.
3. Aviser Ex qu'il aura des documents à signer malgré que, techniquement, il ne soit plus actionnaire depuis plus d'un an (voir point 2).
4. Prendre RV avec le grand manitou de la firme comptable (re: incidences fiscales).
5. Entamer les procédures de fermeture de mon entreprise.
6. Aviser tous les paliers gouvernementaux.

Voilà…

Bien sûr que mon métier m'a passionnée. Avec mon associé d'alors, j'ai beaucoup travaillé pour mettre sur pied cette belle petite entreprise. Pour elle, j'ai sacrifié mes loisirs, un salaire décent et parfois même le beurre sur la table. Elle m'a apporté de grandes satisfactions mais aussi un lot de stress et d'incalculables nuits blanches et angoissantes. J'y ai cru longtemps et en son nom, je me suis battue. Mais je n'en ai plus envie. Mon histoire d'amour avec elle est bel et bien terminée.

Si j'en ai du chagrin? Non. Enfin, me direz-vous, un peu quand même? Aucunement. Pas une petite miette de rien du tout. Nothing. Niet. Nada.

Dans quelques semaines, trois mois tout au plus, je serai délestée de ce poids et je pourrai clore ce long chapitre, qu'il me fallut 16 ans à écrire.

Et vous savez quoi? Il me tarde d'en débuter un nouveau, tout limpide celui-là… Car une fois le leste lâché, tout ce dont on a envie, c'est de légèreté…

mercredi 11 février 2009

Le cœur en berne…



Samedi prochain, par plaisir ou pour éviter de se faire faire la gueule, plusieurs d'entre nous soulignerons la fête de l'amour. L'anniversaire de Cupidon, la Saint-Valentin.

D'autres, comme mon ami Daniel, passera une partie de la soirée au chevet de son oncle mourant. Il l'écoutera, lui tiendra compagnie, tentera peut-être de le faire rire ou du moins, sourire. Puis en le quittant, malgré sa réserve et le chagrin qu'il ne veut pas laisser transparaître, il déposera un baiser sur le front du vieux monsieur qui attend patiemment que la mort vienne le chercher, étonnamment lucide malgré les doses massives de morphine qu'on lui injecte.

Je soupçonne qu'une amie essaiera de ne pas songer à ce qu'aurait pu être cette fête si elle n'avait pas mis fin à sa relation, l'été dernier. Elle doutera, elle regrettera et elle aura sans doute du chagrin. Puis, au fil de la soirée, si par chance elle se retrouve entre amis, elle se souviendra de ce qui l'a amenée à cette difficile mais nécessaire décision. Elle pourra alors reprendre confiance, cesser de se culpabiliser et sourire à l'avenir qui se dessine.

Un autre de mes amis tentera peut-être de maquiller son désenchantement. Son histoire d'amour n'a pas fait long feu. Une trop brève fréquentation suivie d'une cohabitation hâtive avec son amie de cœur et les enfants de cette dernière, ont transformé l'idylle naissante vécue à distance, en un quotidien où le bonheur ne semble pas vouloir s'installer.

Ma belle amie, quant à elle, cherchera à se convaincre qu'elle est heureuse. N'a-t-elle pas tout ce qu'elle désire? Un amoureux dans les bras duquel elle se sent tellement en sécurité, un projet commun qui, s'il lui a fait mettre un doigt dans l'engrenage, a le mérite de les attacher l'un à l'autre. Son cœur dans tout ça? Il se serre et il saigne parfois lorsqu'elle croise celui qui lui a fait trois beaux enfants. Cet amoureux jadis éconduit plus d'une fois, n'espérait plus le retour de celle qu'il avait épousée vingt-sept ans auparavant. Il a donc décidé de refaire sa vie. Depuis, ma belle amie essaie courageusement de braquer les yeux droit devant, mais par moment, elle ne peut s'empêcher de regarder dans le rétroviseur de son existence et de regretter celui qu'elle aime toujours.

Je crains qu'une de mes douces amies ne passe un samedi difficile. Son amour l'a quittée il y a plus de cinq ans pour une contrée d'où on ne revient jamais. Elle pensera à lui, à ce qu'était leur vie, leur amour discret mais profond. Elle aimerait tant rencontrer un homme qui lui ressemble, qui a ses qualités de cœur. Elle doute de pouvoir aimer à nouveau. Comment le pourrait-elle sans avoir l'impression de tromper celui avec qui elle a vécu pendant vingt-cinq années? Serait-ce pour cette raison que le seul homme qui ait réussi à faire battre son cœur depuis, ne soit pas libre? L'intégrité de mon amie l'empêche de faire le pas qui transformerait l'idylle platonique en liaison consommée. Et en attendant que le seul homme à qui elle aurait pu se donner à nouveau, fasse son choix, elle met son cœur en berne.

Samedi prochain, cet autre ami songera peut-être à ce qu'aurait pu représenter cette soirée si la seule femme qu'il n'ait jamais aimée, avait partagé ses sentiments. Il en était tombé éperdument amoureux alors qu'il n'était qu'un adolescent. A ce moment, il n'avait pas osé lui déclarer son amour. Les années avaient passé, il s'était marié, sans pour autant aimer celle qui allait lui donner un enfant. Le couple s'était séparé et quelques années plus tard, il avait rencontré une autre femme. Comme si c'était la seule issue, ils avaient fini par cohabiter. Pas très longtemps, car l'amour refusait d'éclore. Encore une fois mon ami s'était retrouvé seul. C'est à cette époque que le hasard remit sur sa route la femme qu'il aimait depuis toujours. Prudent, il n'offrit que son amitié à celle qui faisait battre son cœur si fort. De café en bière, de parties de pool en marches autour du Lac des Nations, ils avaient refait connaissance. La belle avait quelqu'un dans sa vie mais la relation était boiteuse. Mon ami prit son mal en patience et le jour où elle lui apprit qu'elle avait rompu définitivement, il se décida à lui déclarer ses sentiments. Il lui apprit qu'il l'aimait depuis toutes ces années; que son cœur lui avait toujours appartenu. Malheureusement, la jeune femme ne fut pas enthousiasmée par cette révélation. Cela lui sembla tellement étrange… Peut-être eut-elle peur d'un si grand amour? Ils cessèrent de se voir. Et depuis, mon ami tente de panser son cœur, en essayant de ne pas rêver à ce qu'aurait pu être sa vie auprès d'elle.

La Saint-Valentin célébrera les amoureux. Ceux qui se sont enfin trouvés, parfois après de longs détours. Samedi, les restaurants seront bondés. Les fleuristes et les chocolateries feront de bonnes affaires. Des milliers de bougies seront allumées pour créer une atmosphère romantique, propice à l'amour et à ses épanchements.

Le 14 février sera un jour sans joie pour ceux qui sont seuls. Pour ceux qui ont connu l'amour avant de le perdre, à tort ou à raison. Pour ceux qui l'espèrent encore, qui l'ont laissé partir sans avoir tenté de le retenir, ou qui l'auront sabordé, le sachant perdu d'avance.

Le jour de la Saint-Valentin, alors que plusieurs d'entre nous soulignerons la fête de l'amour, d'autres auront le cœur en berne…

lundi 9 février 2009

Département des plinthes…


Samedi vers 15h00, je ne sais trop quelle mouche m'a piquée. Avais-je besoin de me défouler? Était-ce la caféine qui me coulait dans les veines? Peut-être les deux? Il n'en reste pas moins que je passai l'après-midi dans la cave. Je commençai par réorganiser le coin menuiserie, plaçant la scie-sur-table devant le mur ouest pour éviter que la poussière de MDF ne se répande sur le calorifère comme c'était le cas auparavant. Puis j'installai le chevalet à gauche du banc-de-scie, avant d'y déposer une retaille d'aggloméré qui la transforma en une table qui allait supporter les planches en cours de coupe.

Comme je n'aime pas, que dis-je, comme je déteste faire du ménage inutilement (parce que c'est utile parfois?), je fixai des sacs à ordure préalablement découpés, tout le tour de la table de la scie, un peu comme une jupe. Ainsi le plus gros de la sciure resterait prisonnière en dessous au lieu d'aller se déposer partout. Puis je collai un autre sac ouvert sur le mur juste derrière la scie (on ne sait jamais …). Finalement je clouai un vieux rideau de douche en vinyle sur une poutre, pour empêcher la poussière d'envahir le côté sud de la cave qui sert de salle de lavage, de maison de repos pour les géraniums et de petit coin pipi pour Jules.

Ce ne fut pas une mince tâche de mettre au niveau le banc-de-scie et le chevalet-table. Il me fallut empiler des petits bouts de bois et d'aggloméré de différentes épaisseurs sous leurs pattes pour qu'ils soient à la même hauteur sans boiter. Le plancher de ciment de la cave est inégal et, à certains endroits, on dirait qu'il a été sculpté, formant des dénivellations de quelques centimètres. Rustique mais pas pratique.

Plutôt satisfaite de ma nouvelle installation, il me tardait de la mettre à l'essai. J'attachai donc sur mes hanches, le sac multi-pochettes dont je me sers pour la coupe de vêtements, y glissai un crayon, une feuille de papier et le seul gallon, sur les quatre que j'avais trouvé lors d'un de mes nombreux ménages, qui en plus des pouces, indique les centimètres. Ainsi armée, je me mis à relever les mesures du bas des murs de l'entrée arrière, de ma chambre et du salon. Ma maison, malgré ses 63 ans bien sonnés, travaille encore et n'est plus toute droite. Lorsque je pris les mesures, il me fallut le faire à la hauteur du plancher et 15 centimètres plus haut car, à cause de l'inégalité du plancher et de celle des murs, j'avais parfois plus d'un demi-centimètre d'écart.

Ce sont vingt-neuf sections que j'eus à couper en autant de dimensions. Je passai plus d'une heure à mesurer et marquer les planches, à les scier en ordre de longueurs décroissantes et en jumelant des mesures pour éviter les pertes.

Dimanche, après avoir regroupé autour de moi mon nouveau capteur de montant, la perceuse, le marteau et le chasse-clou, je pus enfin commencer la pose des plinthes dans l'entrée arrière. Finalement, cet après-midi, au retour d'un traitement chez ma chiropraticienne, je terminai de clouer celles du salon et de ma chambre.

C'est Bôf Adoré qui sera fier de sa Sister-in-Saw!

samedi 7 février 2009

L'odyssée du prince…


Je t'offre ce conte de Fée…
Bon anniversaire!
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Il était une fois, très loin d'ici, un charmant prince qui vivait sur une toute petite île déposée au milieu de l'océan. Il habitait un château qui avait été construit au sommet de la plus haute montagne. Il y coulait des jours paisibles, entouré des siens et aimé de ses sujets.

Le prince était un homme heureux. Toutefois, il avait le sentiment que son bonheur était incomplet; comme si une facette de sa vie restait à polir. Que pouvait-il donc lui manquer? De l'or? Des diamants?

Chaque jour, le prince montait tout en haut de sa tour et passait des heures à rêver, ses yeux errant sur la surface de l'océan. Comme il l'aimait cette mer. Qu'elle soit teintée de bleue, barbouillée de gris ou écumante de colère, elle savait l'émouvoir. Elle avait toujours fait partie de sa vie et il ne pourrait vivre loin d'elle. Jamais.

Les jours d'ennui, il arrivait au prince de se demander ce qu'il y avait là bas, au bout de l'horizon. Se pourrait-il qu'il existe d'autres terres? Étaient-ils seuls, lui et ses sujets, à habiter cette immensité?

Las de ses questions, il comprit que le temps était venu d'obtenir des réponses. Aussi, il décida de faire construire un navire. Il engagea les meilleurs artisans et après des mois de labeur, il pu enfin monter sur le pont. C'était un beau et grand bateau. Son mat, finement sculpté, était si haut, qu'il se perdait dans les nuages. Et ses voiles, telles des ailes d'un blanc pur, claquaient au vent, impatientes de prendre le large.

Le prince choisit le jour de son anniversaire pour lever l'ancre. Les lueurs de l'aurore commençaient à teinter le ciel, lorsque le prince regarda la terre s'éloigner et son royaume rétrécir peu à peu. A l'instant où son île ne fut plus qu'un point minuscule sur la ligne d'horizon, il sentit une grande fébrilité l'envahir. Tout à coup, il redevint le petit garçon qu'il avait été. Il quitta la poupe du navire et alla se poster à la proue, impatient de découvrir où la mer le mènerait.

Ils naviguèrent ainsi pendant trois jours et trois nuits, entre l'océan immense et le ciel infini.

Le capitaine et le prince disputaient une partie de cartes lorsque qu'ils entendirent ce mot tant attendu: Terre! Ils se précipitèrent tous deux sur le pont. A l'horizon, tout là bas, une longue bande foncée contrastait avec le bleu de l'océan et celui du ciel. Et ils se dirigeaient droit dessus.

Il leur fallut près de quatre heures pour approcher la côte et trouver un endroit pour se mettre à l'abri avant la nuit. Le crépuscule venait de tomber lorsqu'ils jetèrent l'ancre. Aussi, le prince jugea préférable d'attendre au lendemain avant d'aller à terre. Cette nuit là, personne ne put trouver le sommeil tant il leur tardait de découvrir ce monde inconnu.

Au petit matin, après un déjeuner hâtif, un canot fut descendu et le prince, accompagné du capitaine et de trois marins, y prirent place. Lorsque l'embarcation s'enlisa dans le sable, les hommes sautèrent par-dessus bord et tirèrent la barque sur la plage.

C'est le cœur battant que le prince posa le pied sur la terre ferme. Il avait maintenant la preuve que son île n'était pas la seule à flotter sur la mer immense. Cela signifiait, hors de tout doute, qu'il en existait d'autres. Plusieurs? Où? Pourrait-il… Le prince n'eut pas le temps de poursuivre ses réflexions. Des hommes, une dizaine, se dirigeaient vers eux. Un peu inquiet, le prince leva les deux mains en signe de paix. Le groupe s'arrêta et un homme, sans doute leur chef, fit un pas en avant et tendit les mains à son tour. D'un même mouvement, le prince et le chef du clan se mirent en marche, s'avançant lentement l'un vers l'autre.

Le prince examina l'homme qui se tenait devant lui. Malgré son étrange accoutrement, l'individu lui inspira confiance. Son sourire semblait franc et son regard était empreint d'une grande douceur. Lorsque le chef prit la parole, le souverain, étonné, découvrit que son dialecte ressemblait étrangement à sa langue.

L'homme lui fit comprendre qu'il se trouvait au royaume d'Haghia, un pays habité par des fées, des sorciers et quelques humains. Son nom était Luboak; il était le chef et le grand mage de ce territoire.

Pour souhaiter la bienvenue à ces visiteurs venus de très loin, Luboak convia le prince ainsi que le capitaine et son équipage, à un grand banquet. En acceptant, le prince ne se doutait pas qu'il allait enfin trouver ce qu'il cherchait depuis si longtemps.

Ce fut une soirée pour le moins magique, et les habitants d'Haghia allaient se souvenir longtemps de cette grande fête et de leurs amis venus de par delà l'océan.

Le prince n'avait pas été sans remarquer le charme de la fille aînée de son hôte, la fée Elliha. Son sourire mutin, ses boucles brunes et ses grands yeux verts captivèrent le jeune monarque. Assise en face de lui, elle le questionna sur son pays, sur l'immensité de l'océan, sur les montagnes qui entouraient son château. Le prince, en lui répondant, tentait de cacher l'émoi que la belle faisait naître en lui. Comment pourrait-il gagner son cœur? D'ailleurs, était-il libre? Et il lui faudrait bientôt reprendre la mer pour retourner vers ses sujets. Accepterait-elle de le suivre? Comment lui demander de quitter les siens, de dire adieu à ses vallées verdoyantes, à sa vie?

Le prince chassa ces idées qui risquaient d'assombrir la joie qu'il ressentait auprès de ses nouveaux amis.

De son côté, la jeune femme était troublée. Elle avait été subjuguée par la profondeur du regard si bleu, du prince. Il y avait tant d'amour et de respect lorsqu'il évoquait son royaume et ceux avec qui il le partageait. Elle aurait tout donné pour qu'il lui offre son cœur. Mais pourrait-elle lui demander de quitter son île? Pourrait-il se faire à ce monde, si différent du sien?

Lorsque les appétits furent rassasiés et que les musiciens commencèrent à faire résonner leurs instruments, le prince entraîna la fée Elliha sur la terrasse qui croulait sous le foisonnement de plantes étranges et odorantes. La nuit étoilée, telle une immense écharpe, recouvrit leurs incertitudes et leurs craintes. Elle su inspirer le prince et rassurer la belle. C'est en levant les yeux au ciel, au moment où apparut une étoile filante, que leurs mains se touchèrent. Leur regard se rejoignirent un court instant, avant que leurs lèvres se soudent pour un baiser qui su exprimer d'avantage que toutes les déclarations d'amour.

Ils n'eurent pas besoin de mots pour comprendre que, malgré l'océan qui allait bientôt les séparer, leur cœur continuerait de battre à l'unisson, gardant intact leur amour et leur univers.

A partir de ce jour, on revit souvent, amarré dans la baie du royaume d'Haghia, un grand navire portant le doux nom d'Elliha.
.
Et ils vécurent très heureux …
.
.
Si je lui avais coupé les ailes
Il aurait été à moi
Il ne serait pas parti
Mais ainsi
Il n'aurait plus été un oiseau
Et moi
C'est l'oiseau que j'aimais."
.
(Hegoak)

jeudi 5 février 2009

Repassage à tabac…


Il n'avait rien vu venir. Dès qu'il avait tourné la poignée de la porte de la salle de bain, celle-ci s'était ouverte d'elle-même, comme si elle avait été poussée de l'extérieur. L'adolescent maigrichon n'avait eu que le temps de tendre les bras, évitant ainsi de recevoir en pleine poire le lourd objet qui lui était tombé dessus.

-Tu parles d'une distraction! Se dit le jeune homme de 17 ans en allant ranger la lourde planche à repasser dans le placard où elle aurait dû être remisée. Faite de bois massif, elle avait été fabriquée par son grand-père il y avait de cela très longtemps. Sa mère, qui aurait bien pu remplacer cette vieillerie par une nouvelle plus légère, s'entêtait à utiliser cette ancienne planche qui devait bien peser dans les trente livres.

L'adolescent avait oublié cet incident lorsque, quelques jours plus tard, en voulant sortir de la salle de bain, il se retrouva aux prises avec la fameuse planche qui avait été appuyée sur la porte. Mécontent, mais néanmoins surpris, il alla la remettre à sa place. Puis il partit à la recherche de sa mère qui devait être en train de ranger les vêtements qu'elle venait de repasser; ses distractions finiraient par blesser quelqu'un, à la fin!

Lorsqu'il pénétra dans la cuisine il fut étonné. Sa mère avait les bras blancs de farine et pétrissait une pâte à pain dans un grand bol. Et c'est là qu'il aperçut sa petite sœur, juchée sur une chaise. Qu'il remarqua son drôle de sourire. Soudain, malgré qu'elle fût en train de malaxer, avec beaucoup de vigueur, une petite boule de pâte, il eut un soupçon.

-Maman, as-tu fait du repassage tout à l'heure? Demanda-t-il.
-Du repassage? Non. Pourquoi?

C'est alors que la fillette pouffa de rire, ne pouvant contenir plus longtemps sa satisfaction d'avoir joué un tour à son grand frère.

Les jours passèrent et le jeune homme, lorsqu'il entrait dans la salle de bain, prit l'habitude de tendre l'oreille. La planche à repasser était si lourde qu'il était persuadé qu'il entendrait sa petite sœur la déplacer si elle s'avisait de tenter de l'attraper à nouveau.

Il sous-estima sa sœurette; non seulement elle sut attendre le moment où il baisserait la garde, mais elle arriva, sans faire le moindre bruit, à mouvoir le lourd objet. Ainsi, plusieurs semaines après son dernier tour, la petite peste récidiva. Un moment plus tard, lorsqu'elle entendit le bruit d'une chute suivi d'éclats de voix, elle courut se cacher derrière la jupe de sa mère. Si elle ne craignait pas les représailles de ce grand frère si doux, elle jugeait quand même préférable de se trouver une alliée.

Vous l'aurez deviné, la petite canaille, c'était moi. Et celui que je réussis à berner tant de fois, c'était mon Grand-Frère-Disparu. Ah, le coup de la planche à repasser!

Tiens, il ne faudrait pas que mes nièces apprennent cette histoire! C'est qu'elles ont, elles aussi, une victime euh… un grand frère tout doux. Bof, les planches à repasser sont tellement légères maintenant…

mardi 3 février 2009

Déplier bagage…


Mes bagages n'étaient pas encore défaits que le téléphone se mit à sonner. Bon, d'accord, il est vrai que ça me prend un temps fou à vider mes valises lorsque je reviens de voyage. Des jours? Pffff… pire encore. La plus grosse, celle qui était pleine à craquer lorsque je suis revenue de
Saint-Pierre et Miquelon le 5 janvier dernier, gît encore près de mon lit. A l'intérieur s'y trouvent quelques chaussettes, un pull ou deux et un cahier de notes. J'avais bien cru pouvoir lui régler son compte jeudi dernier lorsque je commençai mes préparatifs pour aller à Amos mais finalement je n'eus besoin que de la petite. Résultat? J'ai maintenant deux valises qui traînaillent dans ma chambre.

Mais revenons à nos sonneries. Mon amie Céline sera absente de son atelier toute la semaine et elle m'avait demandé si je pouvais la remplacer auprès de sa clientèle. En couture, février est un mois tranquille. Le printemps est encore trop loin pour donner envie aux gens de ressortir leurs vêtements légers qui, durant l'hiver seront devenus trop étroits, trop courts ou pas assez tendance.

Néanmoins, deux clientes me téléphonèrent, à quelques minutes d'intervalle, ayant besoin de faire modifier pour une, et raccourcir pour l'autre, quelques vêtements. Une des deux clientes est une jeune femme qui fait le beau métier
d'illustratrice de livres pour enfants. Il m'est arrivé à plusieurs reprises de la croiser au petit café où j'ai mes habitudes. Elle est la fille de la propriétaire de la boutique dans laquelle mon amie Céline a installé son atelier de réparation, et la sœur de mon technicien informatique qui lui, est le conjoint de la fille de mon ancienne coloc. Vous me suivez? Bref, je la connaissais un peu avant qu'elle ne vienne frapper à ma porte.

Cette
artiste sait ce qu'elle veut. Et elle adore les vêtements. Mais pas n'importe lesquels. Ce qui l'emballe c'est d'aller chiner dans les bazars; elle revient avec des tuniques, des jupes et des robes qui n'ont souvent coûté que quelques sous. Il lui arrive aussi de dénicher des balles de laine, des coupons de tissus et, pour son grand bonheur, de magnifiques rubans et galons décoratifs qui, dans des magasins spécialisés, se vendent plutôt cher.

Commence alors son véritable plaisir: elle imagine telle robe raccourcie ici ou là, superposée sur une tunique ou une autre. Elle coupe les manches d'un pull qu'elle épingle sur celles d'un chemisier ou d'un manteau; elle visualise un col ou un capuchon taillé dans une jupe ou un châle de laine.

Parmi les vêtements que cette designer en herbe m'a apportés, un devra être ajusté tandis qu'un second aura besoin d'être réparé. Un autre, une longue tunique en coton indien, qui fut choisie pour sa couleur, devra être agrandie.

Mais la pièce de résistance est une robe composée d'un corsage qui s'est vu greffé d'une jupe garnie d'une bande de dentelle. Ma nouvelle cliente trépignait littéralement de joie lorsque la couturière à qui elle avait confié la transformation, lui montra le résultat. Mais… une erreur lors de la prise des mesures fit en sorte que la robe, si jolie fut-elle, se révéla beaucoup trop petite. Si petite, qu'elle fut incapable de l'endosser.

Et c'est là que mon intervention fut requise. En utilisant les retailles de tissu récupérées du corsage et en taillant une nouvelle jupe dans un coupon du coton imprimé, je pourrai redonner toute sa dimension à la robe tant désirée. Et ça, juste au moment où j'avais l'intention de songer à évaluer la possibilité de vider mes valises... Zut!