mercredi 5 octobre 2011

Vide-poches ...

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Avant mon départ de Saint-Sauveur, une amie m'avait mise en garde.

"Tu trouveras ça difficile; la vie n'est pas rose pour les chiens ici et il y en a beaucoup à Kuujjuaq."

Et elle avait ajouté:

"Il est peut-être mieux de ne pas s'en occuper. On ne sait jamais combien de temps nous passons dans le Nord; c'est pire s'ils s'attachent à nous."

Mon amie avait vu juste. Dès les premiers jours, j'eus le cœur gros et la gorge serrée en apercevant des bêtes négligées, errant ici et là à la recherche de quelque chose à se mettre sous la dent ou quémandant une simple caresse. Plusieurs boitaient, sans doute à la suite d'une bagarre. D'autres affichaient leur crainte des humains, probablement pour les mêmes raisons.

Bien sûr, je n'ai fait qu'à ma tête. Et au lieu de les ignorer, je me suis mise à leur parler, à leur donner des gâteries ou à leur distribuer des caresses. À Gros Chien, celui qui n'inspire pas confiance et que tous craignent. Puis, à Grosse Fille malgré son éternelle gueule des mauvais jours. À Tommette, qui se laissa vite apprivoiser et caresser; comme ma Clopinette, Blondie et Poilu-Frisé, tous maintenant disparus. Aussi à Patte Blanche, mon amie de randonnée et à sa copine Rosie. Plus récemment, à Cotonneuse qui découvrit le trésor que recelait mes poches. Chaque matin depuis, elle vient à ma rencontre, parfois accompagnée du beau Jaunas. Il y en eut d'autres, des amis de passage, observateurs ou effrontés, affamés ou repus.

Je sais bien que ces chiens qui sont devenus mes amis me chercheront parmi les piétons qui empruntent la rue matin et soir. Qu'ils guetteront ma silhouette, au loin. Qu'ils accourront peut-être vers un passant qui me ressemblera et qui aura sans doute les poches vides. Qu'ils espéreront mon retour avant de m'oublier, un peu plus chaque jour.

N'empêche, ces courts instants où nous nous retrouvons sont autant de petits bonheurs qui mettent un baume sur leurs tristes conditions et égayent leur trop courte vie de chiens nordiques.

Ils me manqueront...
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7 commentaires:

Le factotum a dit…

Bonne fée!

Je crois que vous devrez vous servir des nolisés si vous voulez apporter toutes ces douceurs à la gente canine de Kuujjuaq.

L'insulaire a dit…

Ils sont adorables en plus, ils ne croquent même pas les doigts :p

Lise a dit…

Ouf! Ton billet m'as mis la larme à l'oeil; j'aurais réagi exactement comme toi! La maltraitance me révolte, que ce soit envers un animal ou un humain; et le sentiment d'impuissance qui va avec. Sûr qu'ils te manqueront tes amis quatre-pattes, mais il est impossible de les sauver tous malheureusement (j'ai lu tes autres textes ailleurs), et dis-toi que si Mimi n'avait pas croisé ton chemin un jour elle serait morte depuis longtemps!

Ici je peux le dire ouvertement, sachant que je serai comprise; les animaux sont aussi des amis pour moi et il y en a plusieurs que j'aime bien davantage que certains humains de mon entourage. Les animaux ne jugent pas, ne critiquent pas, ne posent pas de questions...et dépendent tellement de nous, hélas!

Tes photos touchent directement le coeur; j'ai suivi ton parcours depuis le tout début et tu es une belle personne Sally Fée, dans tous les sens du terme.

Lise qui n'a pas de blogue

crocomickey a dit…

Vraiment touchant !

Sally Fée a dit…

@ Le factotum:

Oh... pas à tous! Juste à mes amis, à ceux qui n'ont pas de maître, à ceux qui sont "cutes" ou qui ont l'air d'avoir faim ou... à ceux qui me le demandent.


@ L'insulaire:

Permets moi de faire une légère correction: ..."ils ne croquent presque jamais les doigts".

;O)

@ Lise qui n'a pas de blogue:

Moi aussi, il y a des bêtes que je préfère à certains humains. Ce qui est triste, ici comme ailleurs, c'est qu'il y a trop de naissances, beaucoup trop. Si tu voyais tous les chiots égarés qui se promènent de maison en maison à la recherche de nourriture et d'un foyer... ça crève le coeur. On se sent tellement impuissants...

Merci pour ton commentaire; chez moi, tu peux écrire ce que bon te semble. Humhum... entre autres que je suis belle, fine ...

;O)


@ Crocomickey:

C'est d'autant plus difficile, que nous, les "étrangers", ne pouvons pas changer les choses. Le Nord, c'est une autre planète. La mienne me manque.

Nanou La Terre a dit…

Comme c'est difficile de te lire sans avoir une petite douleur à l,âme et un petit serrement à la gorge... Mais pourquoi, tant de chiens errants, abandonnés?Je les ai regardé avec amour, un par un... Et ce petit noireau, le dernier, au visage si doux. Je sais que j'aurais fait exactement comme toi. Les ignorer? Pas question!Ton coeur est grand xxx

Sally Fée a dit…

@ Nanou La Terre:

Les villages nordiques n'ont pas de cliniques vétérinaires; pour faire stériliser un animal, il faut lui faire prendre l'avion, ce qui coûte très cher. Seuls les blancs vont choisir la stérilisation et profitent d'une de leurs sorties pour apporter le chien avec eux.

Si certains chiens sont attachés, la plupart se promènent librement et se reproduisent. Dans le Nord, une chienne peut avoir une portée après l'autre.

On peut imaginer ce qu'il en coûterait à une famille pour nourrir le fruit des entrailles de leur chienne. Alors, bien souvent, les chiots sont abattus, surtout les femelles. Ou encore, le propriétaire tente de les vendre, de les donner. S'il ne réussit pas, il laissera les petits chiens se débrouiller par eux-mêmes. Puis, il y a les chiens adultes errants qui, eux aussi, se reproduisent.

Nous ne sommes pas assez nombreux pour adopter tous ces chiots.

La seule solution pour freiner toutes ces naissances inutiles, reste la stérilisation, mais les habitants du Nord n'y ont pas accès.

Si ce n'est déjà fait, je t'invite à découvrir le blogue de Cathy et André, "Chiots Nordiques". Le problème est aussi criant un peu plus au sud.