dimanche 8 mai 2011

Kuujjuaq, jour 3 ...



J'entame ma troisième journée au Nunavik. Plutôt bien préparée à ce qui m'attendait à la descente de l'avion, je n'eus pas de choc en découvrant la ville de Kuujjuaq. Selon les quartiers, les maisons toutes bâties sur pilotis et arborant un air de famille se dressent à la queue leu leu sur des terrains recouverts de pierre concassée ou de sable. Tout autour où porte le regard, on aperçoit des buttons rocailleux, des regroupements de conifères rabougris et des pans de la rivière Koksoak encore gelée.

En attendant que le logement qui deviendra le mien jusqu'à la fin de novembre se libère, mon amie et future collègue de travail, l'Ange Aérien, a gentiment accepté que j'utilise le sien pendant son absence. Ainsi, pour les deux prochaines semaines, Mimi et moi squatterons sa chambre d'ami. Merci mon Ange…


Hier, samedi, malgré un crachin déversé par un ciel résolument gris, je décidai de faire le trajet jusqu'aux bureaux de la Régie de la Santé et des Services sociaux, histoire de déterminer le temps qu'il me prendrait pour m'y rendre. Je voulais également repérer l'épicerie où m'avait amené le collègue venu me chercher à l'aéroport et faire quelques achats pour compléter ceux faits vendredi.

Premier constat en regardant par la fenêtre: j'aurais dû m'acheter des bottes de pluie avant mon départ de Saint-Sauveur. La rue de ce nouveau développement est une longue mare d'eau boueuse. Par chance, mon amie avait une jolie paire de caoutchoucs qui m'allait parfaitement. Merci encore!






Carte de la ville dans une main, parapluie dans l'autre, je tournai à droite en sortant, puis à gauche et à droite, tentant de graver dans ma mémoire quelques repères utiles pour mon retour, considérant que le quartier où se trouve l'appartement de l'Ange est récent et n'apparait pas sur le plan. Après une quinzaine de minutes et un moment d'incertitude, j'aperçus au loin l'imposant édifice appelé le Forum érigé au sommet d'une colline rocheuse. Je bifurquai à gauche et arrivai dans le stationnement de la RSSS 20 minutes exactement après mon départ de l'appartement. Parfait!


Poursuivant ma route, je constatai que la rue où se trouve le marché d'alimentation qui est également une quincaillerie, un magasin où on peut trouver des vêtements, du tissu, des claviers d'ordinateurs, des laveuses et des sécheuses, n'était pas la première à droite après ma destination initiale, mais la troisième.

À l'intérieur, je ne pus que faire un second constat: à moins de vouloir m'affubler de cuissardes pour la pêche à la mouche, il me faudrait emprunter, pour les deux prochaines semaines, les bottes de mon amie. Car, une fois installée dans mon logement dont le quartier est moins récent et la rue plus sèche, je pourrai me contenter de bottes de marche.

Néanmoins, heureuse d'avoir réalisé une économie substantielle, je décidai d'ajouter à ma liste d'épicerie ce qu'il fallait pour concocter deux soupes aux légumes pour mes dîners au bureau. Si le chou, le navet, les carottes et les pommes de terre affichaient un prix presque raisonnable, je n'avais pas songé qu'avec une boite de tomates, une autre de maïs en crème, un sac de riz, des spaghettinis, un pot de sauce à la tomate et un autre de beurre d'arachides, ils pèseraient lourd dans mon sac à dos. Les 20 minutes initiales de marche pour l'aller se muèrent en 35 minutes laborieuses au retour, où les pentes montantes me donnèrent froid chaud dans le dos. N'eut été des deux sacs supplémentaires de victuailles que je portais à bout de bras, j'aurais pu alléger la charge qui reposait sur mes trapèzes tendus.

Me concentrant sur chaque pas qui me rapprochait de ma destination et qui mettrait fin à mon supplice, je ne reconnus pas la rue où je devais tourner jusqu'à ce que j'aperçoive devant moi un empilage de matériaux de construction que j'étais absolument certaine de ne pas avoir noté comme repère. Le terrain boueux ne me permettant pas de déposer mon fardeau pour me reposer, je songeai un instant à faire demi-tour, faisant la sourde oreille à l'épuisement qui m'avait déjà gagnée depuis la moitié du trajet. Puis, sur ma gauche, derrière les maisons que je longeais, je reconnus une rue derrière, le vert des bâtiments de mon amie. Je me souvins soudainement d'avoir marché avec Mimi le long d'un terrain marécageux où des fermes de toit avaient été déposées. Au lieu de rebrousser chemin, je poursuivis donc ma route et, au bout de la rue, je tournai à gauche où je repérai l'amas de fourrure blonde couchée près d'une cabane, celui-là même que j'avais aperçu l'avant-veille lors d'une balade de repérage. C'est à bout de souffle que je réussis à franchir les 300 derniers mètres et à monter l'escalier de l'appartement de l'Ange.

Troisième constat: lorsque le supermarché de trouve à 25 minutes de marche, au bas d'une colline, vaut mieux y aller plus souvent que de tenter l'exploit de remonter ladite colline en portant le quart de son poids.

11 commentaires:

Le factotum a dit…

On apprends vite à visiter l'épicerie quotidiennement si on veut éviter les surcharges et les côtes.
Bienvenue à Kuujjuaq.

Fée des Bois a dit…

J'avais pas compris que tu étais à Kuujjuaq!?! C'est dans une longue aventure que tu viens de t'embarquer.

J'aime beaucoup lire tes péripéties. Prends bien soin de toi.

Jéromienne a dit…

St-Sauveur avait son lot de facilités à ce point de vue .

Les petits bistros et cafés vont te manquer ... mais tu y trouveras autre chose que nous ne connaîtrons jamais . Nous sommes maintenant accrocs à tout ce que tu veux bien nous raconter .

Et de plus fais attention à ton dos , tu n'as pas encore trouvé un chiro ! xxxxxxx

Marico Renaud a dit…

J'en ai manqué un bout! Qu'est-ce que tu fais à Kuujjuaq? Et la couture?
J'ai beaucoup entendu parler du Nord par une amie infirmière là-bas! Je t'envie de le découvrir en vrai.

Anonyme a dit…

Ben oui, nous sommes désorientés là!!! Lumières dame Fée de grâce!

L'insulaire a dit…

Une fée avec une carte routière ? ...n'y aurait-il pas là une forme d'antinomie ? O:)

L'important reste d'arriver au but, et les détours même imprévus permettent parfois de belles découvertes. Je t'en souhaite de belles !

...Et je suis impatient de découvrir tes clichés du paysage, ta description ressemble beaucoup à nos mornes.

Sally Fée a dit…

@ Le factotum: Merci! Pour les côtes, je n'aurai pas le choix puisque j'habite "en haut", mais pour les surcharges...

@ Fée des bois:

Ce sera une brève aventure de 6 mois et des poussières. Juste assez pour savoir si j'aurai envie de récidiver!

:O)

@ Ma Jéromienne:

Oh que si, ils me manqueront. Je ne les apprécierai que davantage en décembre prochain! Mon pauvre dos, lui, n'est pas à son meilleur mais... j'ai déjà le contact d'une massothérapeute! xxx

@ Marico:

J'ai obtenu un poste "taillé sur mesure" pour moi: 6 mois comme secrétaire de direction. Ce sera une très belle découverte, en effet.

:O)

@ Mon Insulaire:

P'tit comique, va... Ah, pour faire de belles découvertes, ce détour m'en a fait faire: cinq. Toutes enthousiastes et gambadantes. Elles m'ont escortée jusqu'à ma porte, la langue pendante!

** *

RAnnieB a dit…

Heureuse pour toi qu'il s'agira de 6 mois de printemps et d'été et non d'automne et d'hiver dans le grand Nord.

Je te souhaite une belle aventure.

Sally Fée a dit…

@ RAnnieB: je ne vivrai pas le dur hiver du Nord mais côtoierai les nuées de mouches noires.

On m'a dit que le port du filet n'est même pas une option!!! Les bibittes de l'Abitibi peuvent aller se rhabiller!

;O)

Zoreilles a dit…

Je suis maintenant un peu plus à jour en ce qui concerne ta nouvelle aventure... Six mois? Tout un bail!

Secrétaire de direction? Tiens, nous avons déjà pratiqué le même métier, c'était le mien pour mes dix premières années sur le marché du travail!

Que de découvertes tu feras encore... Je te suivrai avec un très grand intérêt.

Bon Nord!

Fitzsou, l'ange-aérien a dit…

Beau premier récit Nordique! C'est fou mais, je n'ai aucune difficulté à lire entre les lignes...
Curieux quand même!...