Au moment où je publiais mon billet "Une fleur se meurt", ma tante exhalait son dernier soupir. C'est ce que j'appris quelques heures plus tard. Sa maladie ne nous avait laissé aucun doute sur sa fin prochaine. Malgré tout, il est toujours bouleversant de se retrouver devant le fait accompli. Particulièrement d'assister au grand chagrin de ses enfants et à celui, incommensurable, de son vieil époux.
Ce furent des moments émouvants que vinrent pourtant adoucir les retrouvailles. Je revus des cousins, des cousines, des tantes et oncles, des connaissances, les vieux amis de notre famille et parfois même les amis de nos amis. Nous nous sommes rappelés des événements lointains. "-Tu te souviens de ..." "-Je me rappelle que ...". Avec mes cousines nous avons beaucoup évoqué notre enfance. Les fois où je me fis garder chez ma tante. La longue et éprouvante maladie de son premier mari, mon parrain. La configuration des pièces de leur ancienne maison. Les enfants que nous étions. Des événements cocasses ou dramatiques.
Durant ces quelques heures passées en terre abitibienne il y eut aussi des moments heureux. Entre autres, celui d'avoir au bout du fil une ancienne compagne de classe lorsque je fréquentais l'école primaire. Elle vit en Belgique depuis 40 ans. Nous parlâmes de choses et d'autres et elle m'apprit, puisque je n'en avais gardé aucun souvenir, que nous fûmes en compétition l'une contre l'autre en composition française. Il semble que le vendredi le professeur choisissait la meilleure rédaction et en faisait la lecture devant la classe; mon amie me dit que la lutte se fit souvent entre sa composition et la mienne. La mémoire retient certains souvenirs et en efface d'autres.
Aussi, lorsque nous fûmes tous réunis, après les funérailles de ma tante, je nous observai et me dis que nous étions en train de nous fabriquer des souvenirs. Certains seraient tristes ou touchants et d'autres comiques. Ma nièce Anne-Sophie contribua à ceux de cette dernière catégorie.
Du haut de ses 9 ans, ma nièce nous fit part qu'elle trouvait un de ses petits cousins "vraiment beau". Malgré ses descriptions, nous n'arrivions pas à reconnaître celui dont elle nous parlait. Elle me dit alors: "-Viens, je vais te le montrer et pour ne pas que ça paraisse, je vais faire semblant de me choisir un dessert." Une de mes tantes, assise en face de ma nièce, décida de nous accompagner puisqu'elle connaissait le prénom des nombreux petits cousins qui étaient regroupés à la table près du buffet. Après que ma nièce eut désigné discrètement l'objet de sa pâmoison, ma tante la pris par surprise et lui présenta Yosef qui, en souriant, lui serra la main. De retour à notre table, Anne-Sophie s'écria: "-Je ne me laverai plus jamais la main et en plus, il m'a parlé!!!" avant de demander à Frérot, son père, de vitement lui donner son sac à main qui était près de lui. Devant nos regards médusés, elle fouilla à l'intérieur, en ressortit un miroir et s'y regarda peut-être pour s'assurer que le sourire qu'elle avait offert au si beau cousin n'avait pas été gâché par un quelconque résidu de sandwiche ou de chou-fleur. Toute la table s'esclaffa évidemment.
Parmi les souvenirs tristes de ces deux jours pendant lesquels nous avons fait nos adieux à tante Yolande, se glissera cette anecdote qui y sera dorénavant associée et qui nous fera sourire...
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