jeudi 12 mars 2009

Un amour affranchi… 7e partie


- Allo France. C’est moi…

En quelques mots, Éva raconta: l’hospitalisation de Laure, l’avion à prendre et son chat qui était seul chez elle.

Lorsqu’elle prit place dans le petit appareil qui allait la ramener dans sa région natale, la jeune femme était rassurée. France lui avait annoncé qu’elle s’apprêtait à partir quelques jours avec Paul, mais qu’elle s’occuperait de voir à ce que quelqu’un passe nourrir Oscar. Elle prendrait ensuite la relève le temps qu’il faudrait; Éva pouvait partir tranquille.

Deux heures plus tard, en franchissant les portes du centre hospitalier, le cœur d’Éva se serra. À la réception, on l’informa que sa tante était au 5e étage. Elle hésita devant l’ascenseur, puis se dirigea vers l’escalier. Il lui fallait calmer l’angoisse qui la tenaillait. Lorsqu’elle poussa la porte 514, Éva repéra immédiatement Loulou. Un soleil impertinent baignait la salle, inondant le lit qui avait été placé près de la fenêtre. Éva s’avança, se demandant si ses jambes pourraient la supporter encore longtemps. Puis ses yeux se posèrent sur la forme étendue au milieu des draps trop blancs. Éva réprima un sanglot et se jeta dans les bras de Loulou.

- Comment va-t-elle? Demanda Éva, dans un souffle.

- Pas bien. Pauvre petite Maman. Elle a sombré dans le coma.

Un silence oppressant envahit la chambre.

- Où sont les autres?

- Jacques et Michel sont partis chercher du café. Annie avait besoin de fumer une cigarette… elle est très affectée par ce qui arrive.

Les deux femmes se tournèrent vers la vieille dame. Loulou déposa sa main sur le bras décharné de sa mère. Elle faisait peine à voir; ses yeux étaient bouffis et son mascara lui avait coulé sur les joues, laissant de longues traînées noirâtres. De ses frères et sœurs d’adoption, Loulou était celle avec qui elle avait la plus grande complicité. Elles avaient le même âge, partagé les mêmes jeux. Devenues adultes, elles étaient restées très proches et n’hésitaient pas à se confier l’une à l’autre.

Soudain, Laure remua la tête. Ses paupières frémirent et s’entrouvrirent. Pendant un bref instant, elle fixa les deux jeunes femmes qui étaient à son chevet. Éva tendit la main et caressa le visage de sa tante. La mère de Loulou esquissa un faible sourire, comme si elle demandait pardon de leur causer tant de soucis. Puis, lentement, sa tête bascula sur le côté et de ses lèvres, s’échappa un long soupir. Le dernier. Un moment plus tard, lorsqu’ils revinrent dans la chambre, la cousine et les cousins d’Éva comprirent que c’était fini. Après leur père, c’était leur mère qui venait de les quitter. Dorénavant, ils étaient orphelins…

Éva vécut les jours suivants dans une espèce de brouillard. Ce n’est qu’aux funérailles qu’elle sembla réaliser pleinement la perte qu’elle venait de subir. Et les larmes coulèrent enfin, libératrices.

Puis, il lui fallut repartir. Elle devait retourner au travail et à sa vie. Parce que malgré son chagrin, la Terre continuait de tourner.

La nuit allait bientôt tomber. À l’aéroport, pendant qu’elle attendait le signal de l’embarquement, Éva sortit sa plume et la carte postale qu’elle venait d’acheter. Le souvenir de Laurence s’était fait discret durant les derniers jours. Mais il revint en force, comme une bouffée d’air frais après une semaine en apnée.

Et c’est d’une main tremblante qu’Éva traça quelques mots à l’endos de la jolie carte qu’elle avait choisie pour le bleu intense du lac majestueux qui était l’emblème de la région qui l’avait vue grandir.

Votre approche discrète m’a touchée, m’a émue
Et cette attente secrète, ne sait que faire de ma retenue
Vos mots, surtout ne les faites pas taire
Car, tel l’été après un long hiver
Je les attends, je les espère
... Éva


Après avoir relu la carte postale, Éva la glissa dans son sac. Dans trois heures à peine, la vieille boite aux lettres reprendrait du service.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Pour ma part, je suis resté accrocher sur les mots de l'envoi postal. Bien qu'ils sont demeurés muets aux yeux...des mots qui prendraient place en moi, s'ils m'avaient été exprimés. Mais je crois qu'ils existent, bien cachés.

Sally Fée a dit…

@ la suite:

Qui ne rêve pas de romantisme, de doux aveux.

Je crois aussi que de tels mots existent; il nous faut attendre qu'ils nous soient dévoilés...