samedi 21 mars 2009

Un amour affranchi ... 9e partie


Les semaines passèrent et la vie reprit son cours. L’automne, petit à petit, se mit à colorer le panorama d’or et de pourpre et, malgré le temps encore doux, rappela à chacun que l’été tirait à sa fin.

Éva, que la disparition de Laure avait beaucoup affectée, se jeta dans le travail, n’ayant trouvé rien de mieux pour escamoter cette perte douloureuse. Il ne se passait pas un jour sans qu’elle ne pense à sa tante; qu’elle ne revoit la femme forte et aimante qu’elle avait été.

Quant à Laurence, Éva avait tenté d’oublier jusqu’à son existence et avait sommé France de ne plus jamais lui parler de cet homme. Questionnée, elle avait refusé de lui raconter ce qui s’était passé la nuit de son retour. Le coup de griffe qu’elle avait ressenti avait non seulement égratigné son amour propre, mais avait aussi écorché son cœur. Elle se trouvait idiote d’en faire un tel plat et décréta que dorénavant, elle avait mieux à faire que de croire aux contes de fées.

Néanmoins, elle chercha à éviter de le croiser et, pour ce faire, modifia sensiblement ses habitudes. Malgré tout, elle l’aperçut à quelques reprises et comble de l’ironie, chaque fois, il était en compagnie de Mélanie. Éva arriva presque à se persuader que cela la laissait indifférente et que la tristesse qu’elle ressentait venait du deuil récent qui l’affectait encore.

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Laurence avait revu Mélanie plus d’une fois depuis cette nuit où ils avaient échangé un baiser. Derrière une apparence hautaine, il avait découvert une femme drôle, sincère et attachante. Le lendemain de leur rencontre, il lui avait téléphoné pour l’inviter à luncher; il lui devait des explications. Et c’est ainsi que Laurence lui avoua que, malgré qu’il la trouvait séduisante, il était attiré par une autre femme.

Mélanie avait accusé le coup, stoïque, et n’avait rien laissé voir de sa déception. Malgré son ego douché, elle avait prêté une oreille attentive aux confidences de Laurence. Au début, si la curiosité l’avait menée, la sympathie avait vite pris le pas. À la lueur qui s’était allumée dans les yeux de l’homme lorsqu’il avait évoqué celle qui faisait battre son cœur, Mélanie avait pu mesurer l’attrait qu’Éva suscitait auprès de Laurence. Et les regrets, lorsqu’il avait relaté l’incident du baiser.

Au fil des aveux qu'il lui avait faits, Mélanie avait compris qu’il ne lui appartiendrait jamais. Et si elle aimait séduire, elle exigeait d’être préférée. Un rôle de second plan ne l’intéressait aucunement. Alors, la croqueuse d’hommes avait cédé la place à l’amie compréhensive qu’elle savait être, et avait écouté Laurence lui raconter l’idylle qu’il avait bêtement sabotée.

Et ce fut ainsi, alors que rien n’aurait pu le laisser présager, que Mélanie et Laurence étaient devenus amis.

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Depuis un moment, Éva avait ses habitudes à la crêperie qui se trouvait à deux pas de son travail; elle aimait y prendre son petit déjeuner en feuilletant le journal et en sirotant un café. Elle avait jeté son dévolu sur la table au fond, près de la baie vitrée. Le parc, encore désert à cette heure du jour, offrait un spectacle apaisant. Les oiseaux et les écureuils s’y donnaient rendez-vous en toute saison, insensibles aux préoccupations des humains dont ils se méfiaient un peu.

Ce matin là était semblable aux autres. Un café à la main, l’autre tournant nonchalamment les pages du quotidien qui alternait les nouvelles, bonnes et mauvaises, elle attendait qu’on lui apporte le plat qu’elle avait commandé. Une silhouette se dressa devant elle et Éva crut qu’on venait lui servir son déjeuner. Son sourire se figea lorsqu’elle reconnut celle qui se tenait juste là, près de sa table.

- Je peux m’asseoir un instant?

Éva n’eut pas le temps de répondre que déjà Mélanie, hélas resplendissante, prenait place. Sans préambule, elle alla droit au but.

-Éva… Je peux te tutoyer n’est-ce pas? Alors voilà, je n’irai pas par quatre chemins. Laurence et moi sommes des amis. Rien d’autre. Oui, je sais, tu nous as vus nous embrasser. Mais c’était un accident. Enfin, ce que je veux dire, c’est que c’est moi qui me suis jetée sur lui et, il a fallu que tu passes juste à ce moment-là. Tu dois savoir qu’il ne s’est jamais rien passé entre lui et moi à part ce baiser. Et tu voudras sans doute savoir pourquoi? Pour une seule raison. Parce qu’il te voit dans sa soupe. Voilà pourquoi. Alors, s’il te plait, laisse-lui une chance.

- Mais … balbutia Éva.

- Ah oui, c’est important que tu saches que Laurence ne m’a pas demandé d’intercéder en sa faveur. Moi-même je n’y avais pas songé avant de t’apercevoir il y a un instant.

- Euh… écoute Mélanie. Je … je ne sais que dire …

- Tant mieux car vois-tu, je suis déjà en retard. Je dois y aller. Une transaction importante que j’ai bien l’intention de conclure. Allez, ciao!

Abasourdie, Éva tenta de reprendre ses esprits. Est-ce que Mélanie était vraiment venue lui parler de Laurence? De tous les scénarios qu’elle avait pu concevoir, c’est le seul qu’elle n’avait pas envisagé.

Perdue dans ses réflexions, elle sursauta lorsqu’on lui apporta son petit déjeuner auquel, finalement, elle toucha à peine.

Éva ne savait plus que penser…

1 commentaire:

Fitzsou, l'ange-aérien a dit…

Bon, enfin la suite... J'aimerais me transformer en analyste chevronnée, mais pardonne moi, je préfère savourer, tout simplement, tes écrits... Ton perfectionnisme m'inspire et me stimule...