mercredi 12 décembre 2007

Nouveau départ

Ma mère avait dû se résigner à quitter sa maison et à abandonner sa ferme. Un huissier était venu frapper à sa porte pour lui remettre un avis de saisie. C’était il y a 25 ans. C’est moi qui ai pleuré comme une Madeleine lorsque je l’ai aidée à empaqueter, à trier. Maman, elle, n’a rien montré de son désespoir.

Toute ma jeunesse, j’ai eu l’exemple d’une femme acharnée au travail, qui se levait à l’aube et se couchait après nous tous. Qui parfois se rendait à l’étable, la nuit, pour assister une vache qui vêlait. C’est elle qui mettait le pain sur la table, au sens propre comme au figuré. Elle aussi qui réparait les clôtures. Qui dégelait l’écureur de fumier à coup de masse, l’hiver, lorsque ça gelait dur à 30 sous zéro. Qui a abîmé ses poumons à respirer la poussière de l’ensilage des silos.

La vie de cultivateur était difficile en ce temps là, comme encore aujourd’hui. Mais ma mère avait une famille à nourrir. Et pour elle, pas question de demander la charité ni d’aide à l’état. Mon père était commerçant et avait un garage où on y faisait la réparation et la vente de machinerie agricole. Il connut quelques bonnes années. D‘autres furent catastrophiques. Baisse du marché? Malchance? Toujours est-il que la ferme de ma mère avait été donnée en garantie à une banque pour financer le commerce de mon père. Elle signa sa perte.

De la grande maison de ferme de 9 pièces, mon père et ma mère furent contraints d’emménager dans un tout petit logement de 3 pièces un peu à l’extérieur de la ville voisine. Une petite bâtisse mal isolée qui servait jadis de bureau. Construite dans la cour d’une entreprise, à une dizaine de kilomètres du centre ville. Heureusement, le montant du loyer était ridiculement bas. Ils y entassèrent leurs meubles, souvenirs mais durent se résigner à en abandonner beaucoup derrière eux.

Mon père quitta ce monde en 1998 et ma mère continua de mener sa vie. Victime d’un ACV il y a 4 ans, elle s’est vue retirer son permis de conduire. Cette épreuve fut très difficile. Elle perdait son autonomie, elle si indépendante. Les visiteurs se firent rares. Elle perdit le goût de vivre, de se battre. Elle attendait, presque impatiemment, la mort. Elle, jadis si en forme, n’était plus que l’ombre d’elle-même. Elle respirait difficilement. Il lui restait à peine assez d’énergie pour se rendre à sa boite aux lettres dehors. Plus question de prendre des marches comme elle le faisait quelques années auparavant. Nous nous aperçûmes, qu’en plus de la dépression dans laquelle elle sombrait, que le logement qu’elle habitait la rendait malade. A cause des tapis partout. Des moisissures l’été, et de l’air trop sec l’hiver. Et les poils que perdait son chat n’aidaient pas.

Nous essayâmes de la convaincre de déménager. Dans un logement sans tapis. En ville. Mais il lui en aurait coûté 3 fois le prix. Elle refusa catégoriquement. Après avoir travaillé si fort pour gagner son argent, qui aurait pu l’en blâmer?

Et vinrent les vacances d’été, en août dernier. Ma sœur qui vit en Angleterre pris 2 semaines pour les passer en famille. C’était la première fois que nous nous retrouvions seules, elle et moi, pour plus de 48 heures. Nous avons beaucoup parlé. De maman. Des soucis que nous causaient son état de santé et son moral.

Ma mère a 81 ans, bientôt 82. A cet âge, il arrive que les enfants songent à placer leurs parents en institution. Pour leur propre sécurité. Ma sœur, elle, eu une idée complètement opposée. Qu’elle mis à exécution sans tarder.

C’est ainsi qu’en octobre dernier, mon frérot, aidé de son beau-fils et d’un ami, organisèrent le déménagement de ma mère. Ma sœur et son époux firent l’acquisition d’un duplex situé tout près du centre-ville. Le logement du bas, lumineux, sans tapis, serait occupé par ma mère et son chat. Le prix de son loyer? Le même qu’elle payait à l’endroit précédant, à quelques dollars près.

Ma belle-sœur, épouse de frérot, souffre d’une maladie oculaire dégénérative. Qu’à cela ne tienne. Elle s’occupa de tout laver, de tout ranger. Bibelots, draps, serviettes, linges à vaisselle, tout y passa. Maman n’eut qu’à donner ses instructions quant à l’emplacement qu’elle préférait pour sa vaisselle, ses chaudrons.

Depuis, ma mère a retrouvé sa belle humeur. Elle respire mieux. Elle peut maintenant s’occuper toute seule de son ménage. Elle a même recommencé à prendre des marches. Elle s’est rendue toute seule, à quelques reprises, au centre ville faire des courses.

C’est une nouvelle vie que lui a offert ma sœur et son mari. Alors qu’ils auraient pu utiliser cet argent pour finir de rénover leur maison, pour voyager, ils ont choisi de redonner une qualité à l’existence de ma mère.

Alors qu’à 81 ans certains terminent leurs jours, ma mère, elle, commence une nouvelle vie.

Je suis fière des miens.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

quelle belle histoire, et quelle bel exemple d'Amour !!!

je suis trés émue
merci de nous rapeller que la vie ne s'arrête pas avec la viellesse !!!

Anonyme a dit…

Moi je voudrais leur dire tout simplement BRAVO parce qu'effectivement la vie ne s'arrête pas avec la vieillesse mais aussi parce que "nos vieux" comme disent certains ont aussi le droit à une existence heureuse et une bonne qualité de vie (même quand ils ont travaillé dur). Ma grand mère vient tout juste d'avoir 85 ans et elle reprendun peu gout à la vie surtout depuis qu'elle s'est aperçue qu'elle pouvait reconduire (elle s'est faite opérée des canaux lombaire et il a fallut lui deplacé 4 vertèbre lors de l'opération pour que arrrivé à les lui remettre correctement).
Alors encore BRAVO pour cette très belle preuve d'aour de votre part.

Sally Fée a dit…

Merci Mamidine, merci P'tit yop,

Vos bons mots me font grand plaisir.

Fée