Je repoussais cette décision depuis des mois. Certains jours, j'étais convaincue que c'était ce qu'il y avait de mieux à faire. Mais d'autres, je n'en étais plus aussi sûre. Si ma nature m'amène parfois à ne pas écouter ma raison et à faire ce que mon cœur me commande, il y a des cas qui nécessitent une longue réflexion. Qui demandent qu'on laisse le temps passer. Puis arrive une goutte de trop qui fait déborder le vase. Ce jour-là, nous savons que le moment est arrivé et que rien ne pourra nous faire revenir en arrière. La sentence se dicte d'elle-même, claire et sans appel.
Ce fameux jour, enfin, cette soirée-là, ce fut hier. Pour quelle raison? Entre autres, parce que je devais regrouper les factures, faire imprimer les relevés et préparer tout le tralala pour la venue du comptable ce matin. Et qu'à la fin, sans même avoir à utiliser ma calculette, je ne pus que constater que les dépenses reliées à l'administration de mon entreprise étaient nettement supérieures aux revenus de production. Et que ce n'était pas une si grande surprise puisque le scénario se répétait de mois en mois.
Ce constat peu réjouissant s'additionna à la déception que je vécus quelques heures auparavant. Comme je l'avais demandé à mon fournisseur, il me fit parvenir des échantillons de tissu. J'avais l'intention de les soumettre à la propriétaire de la boutique du Saguenay; chaque printemps, elle me commande un modèle de robe qu'elle désire voir dans des tissus différents des années précédentes. En coupant le ruban gommé qui fermait le colis, j'adressai une prière à l'univers, à Dieu et à Bouddha pour que le tailleur et ma couturière soient disponibles. Je m'imaginais déjà en train de déposer le chèque de cette cliente qui, malgré son intransigeance, paie dans les délais. Lorsque le couvercle de la boite s'ouvrit, le mirage disparut et fit place à la déconfiture: des deux seuls échantillons, le premier m'était plutôt familier puisque c'est moi qui avais refilé ce tissu à mon fournisseur l'an dernier; visiblement, il avait oublié. Quant à l'autre, je l'avais déjà proposé à ma cliente en 2008 et elle ne l'avait pas aimé. Mphhhhhhh…
Alors en moins de temps qu'il ne faut à Grande Sœur pour enfiler une aiguille sans l'aide du petit machin fait spécialement pour ça, je dressai une liste qui ne laissa aucun doute sur la décision que je venais de prendre:
1. Annuler le service de paie chez D. qui est inactif depuis l'automne dernier.
2. Trouver un notaire qui dégaine plus rapidement que l'actuel.
3. Aviser Ex qu'il aura des documents à signer malgré que, techniquement, il ne soit plus actionnaire depuis plus d'un an (voir point 2).
4. Prendre RV avec le grand manitou de la firme comptable (re: incidences fiscales).
5. Entamer les procédures de fermeture de mon entreprise.
6. Aviser tous les paliers gouvernementaux.
Voilà…
Bien sûr que mon métier m'a passionnée. Avec mon associé d'alors, j'ai beaucoup travaillé pour mettre sur pied cette belle petite entreprise. Pour elle, j'ai sacrifié mes loisirs, un salaire décent et parfois même le beurre sur la table. Elle m'a apporté de grandes satisfactions mais aussi un lot de stress et d'incalculables nuits blanches et angoissantes. J'y ai cru longtemps et en son nom, je me suis battue. Mais je n'en ai plus envie. Mon histoire d'amour avec elle est bel et bien terminée.
Si j'en ai du chagrin? Non. Enfin, me direz-vous, un peu quand même? Aucunement. Pas une petite miette de rien du tout. Nothing. Niet. Nada.
Dans quelques semaines, trois mois tout au plus, je serai délestée de ce poids et je pourrai clore ce long chapitre, qu'il me fallut 16 ans à écrire.
Et vous savez quoi? Il me tarde d'en débuter un nouveau, tout limpide celui-là… Car une fois le leste lâché, tout ce dont on a envie, c'est de légèreté…
3 commentaires:
Comme j'aimerais pouvoir être aussi convaincue du bien-fondé de la fin de mon histoire que tu l'es de la tienne... Avec un peu de "poudre magique", tu pourrais, tu crois, me transmettre un peu de cette sagesse qui t'habite???...
xoxo
Je t'avais lue avant ce matin mais je me reconnaissais bien trop dans ton billet, j'ai pris part à ce chagrin pour l'avoir déjà vécu et ça m'a remuée.
C'était, dans mon cas, en 1996. J'avais décidé bien à regret de mettre la clé dans ma petite entreprise, celle où j'avais tant travaillé, tout investi de moi-même. Je m'en suis remise depuis mais ça a été un deuil plus difficile à faire que je ne l'aurais cru. En fait, c'est ma raison qui avait décidé, pas mon coeur.
Oui, après, il y a eu de la légèreté, c'est tellement ce que je recherchais. On se relève, on se retrousse les manches, on se secoue, on sourit, on va de l'avant, on fonce et un jour, on s'aperçoit que c'était une belle période dont on se souvient avec beaucoup de tendresse et on ne regrette rien.
C'est ce que je te souhaite. Le plus tôt possible.
@ Anonyme:
Je ne crois pas qu'il s'agisse de sagesse. Chose sûre, j'écoute mon coeur.
@ Zoreilles:
Ma décision n'est en rien douloureuse. Elle a eu le temps de murir; déjà en 2002 ma passion commençait à s'émousser. Si j'ai tenu si longtemps, c'est que je ne pouvais faire autrement.
Puis un jour, il n'y a pas si longtemps, un ange m'a pris sous son aile. Grâce à cette personne, je pourrai bientôt tourner la dernière page de ce trop long chapitre.
Il ne reste qu'à me souhaiter un boulot stimulant et différent qui éveillera à nouveau ma passion.
Enregistrer un commentaire