Peu après dix heures, cet avant-midi, j’eus de la grande visite. Enfin, une grande et une toute petite. Mon neveu, le fils aîné de mon Grand-Frère-Disparu et sa petite Méganne âgée d’un an, passèrent chez moi. Entrepreneur en bâtiment, il venait faire une inspection de la cave dans laquelle Bôf-Adoré suspectait une infiltration d’eau, cause probable de l’apparition d’une fine mousse blanche à certains endroits.
Une fois le constat fait et une solution envisagée, nous retournâmes au salon où je tentai de trouver quelque chose de pas trop fragile, de sécuritaire, d’assez léger et de suffisamment intéressant pour faire oublier à une petite fille curieuse, les livres des bibliothèques, le brûleur d’encens, les plantes en convalescence ainsi que les bols d’eau et de moulée du chat. Finalement, je sacrifiai le rolodex qui traînait à portée de ses menottes. En moins de temps qu’il n’en faut pour cligner des yeux, mon répertoire de contacts se fit amputer de quelques cartes qui volèrent ici et là, avant de perdre la moitié de ses séparateurs alphabétiques. Quant à Jules, il avait flairé le danger et m’avait supplié de lui ouvrir la porte. J’avoue que c’était prudent de sa part, extrêmement prudent.
Puis, nous profitâmes d’un moment de répit, pendant lequel Méganne tentait de fracasser une bougie décorative sur ma nouvelle table de salon, pour échanger quelques nouvelles. Il fut question du futur bébé en fabrication, de boulot et de supputations quant à la solidité du verre qui, nous l'espérions, arriverait à résister à la fougue de l’experte en démolition. C’est alors que mon neveu me demanda :
- Maintenant que tu es installée ici, préfères-tu cette ville ou si tu aimais mieux North Hatley?
Préférer? À vrai dire, je ne m’étais pas posé la question. Préférer? Aimer mieux?
Non, en y réfléchissant, je ne préfère pas mon nouveau patelin, mais je ne regrette pas mon ancien. Ma ville laurentienne rime davantage avec mes ambitions présentes, mais celle d’avant avait un charme incomparable. Si l’effervescence de celle-ci convient beaucoup plus à mes besoins actuels, la tranquillité de la précédente était en accord avec mon côté solitaire. Si je suis comblée par le panorama des montagnes majestueuses, jamais je n’oublierai le spectacle mouvant du lac Massawippi.
En fait, c’est un peu comme l’amour. Tout au long de notre existence, nous tissons des liens et en dénouons d’autres, sans pour autant en effacer les souvenirs. Ce n’est pas tant une préférence qu’un contexte, des besoins différents ou un nouvel itinéraire, qui nous amène à renoncer à quelqu’un, à quitter une ville, une région ou un pays. Ce n’est pas toujours par préférence qu’on tourne une page ou que l’on commence à écrire un nouveau chapitre. C’est simplement que la Vie nous y amène. J’ai eu parfois à faire des choix déchirants et s’ils m’ont fait douter jusqu’à me donner envie de reculer, je savais qu’il me fallait aller jusqu’au bout.
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C’est ma façon de vivre,
ma pré-Fée-rence à moi….
2 commentaires:
J'ignore pourquoi, mais tout à coup tout ça me fait peur... En même temps, j'ai l'intime intuition que c'est là ma route...
Je sais que tu me comprendras...xoxo
Ce n'est pas toujours par préférence qu'on tourne une page ou que l'on commence à écrire un nouveau chapitre. Quelle belle phrase!!!
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