J'étais à genoux à frotter énergiquement les lattes de bois du plancher du salon lorsque le téléphone sonna. Je jetai un rapide coup d'œil sur l'afficheur pour découvrir que l'appel provenait des résidences Saint-Pierre.
Ciel! Me suis-je dit. Qui cela peut-il être?
C'était Michel. L'époux de ma tante et marraine qui est décédée le 30 juin dernier. J'étais heureuse de l'entendre, qu'il ait pris le temps de me téléphoner. Je savais qu'il avait emménagé dans une résidence pour personnes retraitées; il avait visité l'endroit au printemps dernier avec ma tante. Tous deux âgés et de santé plus fragile, ils avaient décidé qu'il était temps pour eux de franchir cette étape qui est celle de dire adieu à leur maison. Ils étaient prêts… mais comme me le dit Michel, Yolande est "partie avant".
Je le questionnai à savoir s'il aimait son nouvel environnement. "-C'est un véritable paradis!" me répondit-il, enthousiaste. Cette résidence est située dans la ville natale de Michel et parmi les pensionnaires, il a retrouvé plusieurs amis et connaissances. Ce gentil monsieur, ancien directeur d'école, érudit et passionné trouvera un auditoire à sa mesure. Malgré l'absence de ma tante qui se fait sentir, la flamme brille haut et fort et il me le confirma en déclarant: "-Je ne suis pas pressé d'aller dans l'autre paradis". Cette phrase me soulagea. Ses enfants, ceux qu'il fit siens il y a longtemps en épousant ma tante qui était alors veuve, craignaient que leur père d'adoption ait perdu le goût à la vie suite au départ de leur mère. Il semble qu'il n'en soit rien. Son cœur certes gardera cette grande blessure pour toujours, mais l'amour qu'il porte à ses enfants, à ses nombreux petits-enfants, à la musique, à la nature et à la vie en général est plus fort que la mort.
Avant de raccrocher, Michel me dit: -"Je t'embrasse, et Yolande aussi." Ces mots me déchirèrent le coeur. Je le revis, debout près du cercueil de ma tante, sa main effleurant le visage de celle qu'il avait tant aimé et se penchant pour lui chuchoter à l'oreille. Et je compris. Je compris que si la mort avait ravi le corps torturé de son épouse, son esprit et son souvenir, eux, étaient encore vivants pour Michel. Je compris aussi que l'amour peut vaincre de tout et que c'est cet amour qui lui donne envie de vivre intensément le temps qui lui reste.
Je n'aurais pu souhaiter de meilleures nouvelles du paradis…
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