Lorsqu’allaient retentir les douze coups de minuit, Cendrillon devait avoir quitté le bal, le château et son prince. Sa marraine-fée l’avait mise en garde; sa somptueuse robe, le carrosse et son attelage allaient disparaître et c’est sous son vrai jour qu’apparaîtrait cette pauvresse vivant sous le joug d’une belle-mère acariâtre et de demi-sœurs despotiques et envieuses.
Dans mon univers à moi gravitent des personnages tout aussi légendaires. Il y a bien sûr mon ami le testostéronesque Blanche-Neige qui, étrangement, disparut peu après sa rencontre avec une jolie bibliothécaire qui, m’a-t-on dit, n’est pas naine. Puis il y a Baladine, petit volcan qui, jusqu’à récemment, se languissait d’être inactif et qui, sous une épaisse couche de cendre, entretenait une flamme qui ne demandait qu’à la consumer tout entière.
Comme pour Cendrillon, une Fée, qui toutefois n’était pas sa marraine, décida qu’il était temps qu’elle sorte de sa léthargie. Ces êtres ailés qui vivent parmi nous ont des pouvoirs insoupçonnés. Il arrive que, d’un seul coup de baguette magique, ils réussissent là où les méthodes des simples mortels donnent des succès mitigés, parfois même voués à l’échec. Ainsi fut-il.
Au cœur du printemps, par une nuit de pleine lune, alors que les citoyens vertueux se mettaient au lit, Baladine sortit du sien. Une invitation, reçue le jour même, l’avait laissée pantelante. Elle avait été conviée, sans autre cérémonie, à un bal nocturne qui ne débutait qu’à minuit et où il lui faudrait retirer son masque. Pour s’y rendre, il lui fallut traverser des hameaux endormis, longer des champs somnolents et contourner de sombres forêts. Au fil des kilomètres, conduisant de ses mains frémissantes ses 110 chevaux-vapeur à la robe gris taupe, la fébrilité gagnait du terrain. Le cœur de Baladine tambourinait dans sa poitrine, charriant dans ses veines une lave en ébullition.
À son arrivée au village, Baladine repéra facilement le bâtiment ancien; sa tour blanche coiffée d’un toit pointu marquait la nuit d’une tache claire. Sans faire de bruit, elle rasa la façade ouest de l’imposante demeure où elle fut introduite par une porte dérobée. Derrière les battants, intimidée, elle découvrit un monde à l’atmosphère feutré où les mots se chuchotent. Sur ce royaume, un seigneur régnait désormais seul. Après avoir rompu un enchantement qui l’avait contraint à l’éloignement de longs mois, il lui tardait de célébrer sa liberté retrouvée et de partager les émotions qu’elle éveillait en lui. Émerveillée, Baladine se laissa emporter par la musique et par ses sens que le seigneur sut embraser, se laissant submerger par le désir, ivre de plaisirs enfin assouvis.
Depuis cette nuit Fée-rique, Baladine emprunte chaque semaine cette route, guidée par sa passion et enivrée par l’anticipation de retrouver ce maître qui, dès les douze coups de minuit, déploie tous ses pouvoirs pour l’amener au 7e ciel.
2 commentaires:
WOooooWwww!... Bouche bée...
@ Mon Ange,
Et en plusse, tout est véridique! Ah, sacrée Baladine, quelle petite coquine que celle-là...
;O)
... merci pour ce gentil WOooooWwww!
Enregistrer un commentaire